*L’Allemagne doit pouvoir changer de fusil d’épaule et prendre le lead européen d’une nouvelle coopération avec l’Afrique (commentaire)*
Ouagadougou, 26 août 2026 (AIB) – L’Allemagne est inspirante à bien des égards et a beaucoup à partager avec l’Afrique. Première économie d’Europe, l’Allemagne s’est développée en comptant sur son génie et non sur une politique de prédation de ses anciennes colonies. Elle est légitime à prendre le lead européen dans l’établissement d’une nouvelle coopération avec l’Afrique. Encore faut-il qu’elle le veuille.
La France quant à elle, elle peut le chanter et le danser mais elle ne saurait d’elle-même instaurer de nouvelles relations avec l’Afrique différentes de celles du paternalisme néocolonialiste qui lui donne cette sensation d’être un puissant géant du monde. Elle a les mains et les pieds liés à son passé de pays colonisateur et la bouche pleine des avantages tirés de ce lien, encore persistant.
Le Premier ministre Kyélem de Tambèla l’a dit : «Nous avons été colonisés par la France et pendant longtemps, elle n’a jamais acceptée notre indépendance. Elle nous considère toujours comme sa colonie, et pendant plus de 60 ans, nous n’avons pas évolué»
Mais on peut aussi comprendre que l’Allemagne soit favorable aux liens néocolonialistes avec l’Afrique. Et qu’elle ne veuille pas soutenir franchement ce continent dans la lutte contre la domination colonialiste et pas même contre les agressions terroristes. Les Allemands, ce sont eux qui ont convoqué les autres pays d’Europe en 1884 pour décider d’agresser, de partager et de balkaniser l’Afrique, sans anicroche entre eux. Une fois avec les gains de l’agression, ce sont les mêmes qui ont inauguré le génocide contemporain sur le continent, dans leur colonie namibienne, massacrant plus de 70 000 Nama et Heroros voulant résister au terrorisme colonialiste.
*La présence russe comble le refus des partenaires dits traditionnels de soutenir la lutter antiterroriste au sahel*
De ce point de vue, on peut alors comprendre pourquoi l’Allemagne qui a refusé de soutenir militaire, ne serait-ce que par la formation, le Burkina Faso, un pays d’hommes intègres résolument engagés contre les terroristes, jette son intérêt, non pas contre les pratiques aveugles et inhumaines des terroristes mais juste sur la présence russe au Burkina et l’origine russe des armes utilisées par les terrorismes.
En rappel, lors de sa prise de contact, le vendredi 19 juillet 2024 à Ouagadougou, avec le Premier ministre du Burkina Faso, Apollinaire Kyélem de Tambèla, le nouvel ambassadeur allemand Dietrich Becker s’est tout de suite intéressé au sujet de la présence russe au Faso et au fait que les terroristes disposaient d’armes de fabrication russe.
Quel sens peut-on bien donner à l’inquiétude du diplomate allemand ? Préfère-t-il des armes de fabrication allemande ou européenne pour les terroristes qui brigandent au Sahel ? Voudrait-il accuser la Russie de fournir des armes aux terroristes ?
Il est évidement que les Burkinabè ne vont pas garder un intérêt démesuré des insinuations du diplomate allemand qui sont pour le moins insolites et surprenantes. Ils pardonneront facilement l’hôte qui vient d’atterrir à Ouagadougou et qui visiblement ne connait pas le pays qu’à travers un prisme déformant de médias européens.
*Une belle petite nation prospère qui sait se refaire grâce à ses génies*
Le peuple burkinabè retient que l’Allemagne est une belle petite nation prospère d’Europe, trois fois et demie plus petite que le Niger. Une nation pleine de génies. Des génies qui lui ont permis de se relever des deux grandes guerres qu’elle a perdues, pour se hisser à la première place des puissances économiques d’Europe. Cette résilience allemande est une formidable source d’inspiration pour le Sahel; une résilience d’autant plus inspirante que l’Allemande a pu se relever sans s’accrocher à ses anciennes colonies d’Afrique comme un loup au pis d’une brebis.
L’Allemagne post-nazie n’a pas eu besoin de rabaisser les nations appauvries pour paraitre plus importante. Son parcours historique et son niveau actuel de développement plaident en faveur de sa splendeur et de sa grandeur. Le nouveau diplomate doit pouvoir s’appuyer sur l’estime que les Burkinabè ont pour son pays pour entamer une nouvelle ère de la diplomatie entre l’Afrique et l’Europe et non camper sur d’anciens préjugés ou un recours au racisme fascisant.
C’est pour cela que le chef de la diplomatie burkinabè, Jean Marie Karamoko Traoré, en recevant Dietrich Becker ce 26 août 2024, a émis le vœu que les partenaires honnêtes du Burkina Faso acceptent changer leur grille de lecture et agissent selon les réalités tangibles du terrain et non selon des principes quelques fois subjectifs, critiquables et d’application sélective.
Le message semble avoir été bien compris comme en témoigne la réaction de Becker: «L’Allemagne est toujours le porte-parole de la Troïka des partenaires techniques et financiers. J’ai également annoncé la volonté de l’Allemagne de continuer d’être dans la Troïka des Partenaires techniques et financiers, pour coopérer avec le gouvernement burkinabè».
C’est par-là, sans doute que les deux pays doivent creuser pour bâtir une nouvelle ère de coopération afro-européenne qui soit le fruit d’un partenariat gagnant-gagnant. Pour sa part, le Burkina Faso, depuis l’attaque du World Trade Center s’est toujours montré solidaire de tous ceux qui luttent contre le terrorisme sous toutes ses formes. L’attaque meurtrière du Solingen à l’ouest de l’Allemagne, revendiquée par le groupe Etat islamique, montre que le peuple allemand et les Etats du Sahel doivent davantage collaborer dans la lutte contre ce phénomène. Personne n’est à l’abri, personne n’est si fort pour réduire seul cette équation à puissance complexe. Mais sait-on jamais, peut-être qu’il y a une seconde conférence de Berlin par laquelle l’Allemagne ne peut prendre le lead européen en Afrique.
*Aimé Mouor Kambiré*
