SÉNÉGAL-PÉTROLE-GAZ-ENQUÊTE-CORRUPTION-BANQUE
DAKAR, 24 juin 2019 (AFP) – Un frère du président sénégalais Macky Sall, Aliou Sall, a annoncé lundi sa démission de la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC), institution financière qu’il dirigeait depuis septembre 2017, trois semaines avoir été épinglé dans un reportage de la BBC sur la gestion du pétrole et du gaz au Sénégal.
« Je prends ici devant vous la décision de donner ma démission de la tête de la Caisse des Dépôts et Consignations à compter de ce jour », a déclaré dans une lettre rendue publique le président de cette banque chargée notamment du financement de projets d’intérêt général.
Il devait lire ce texte devant la presse à la mairie de Guédiawaye, ville de la banlieue de Dakar dont il est le maire, mais en a été empêché par des sympathisants qui s’opposaient à sa démission, selon la presse locale.
« Toute cette malheureuse controverse n’est entretenue qu’autour d’un tissu d’amalgames et de contre-vérités destinées à alimenter une autre campagne, plus insidieuse, celle-là, et qui va au-delà de ma modeste personne », a affirmé dans sa lettre Aliou Sall, en sous-entendant que c’était son frère qui était visé à travers lui.
En juin 2012, peu après sa première élection, le président Macky Sall avait confirmé la décision de son prédécesseur, Abdoulaye Wade, d’attribuer l’exploitation des deux champs pétroliers et gaziers off-shore à Petro-Tim, une société de l’homme d’affaires australo-roumain Frank Timis.
Dans un reportage qui ne cesse de susciter la polémique au Sénégal depuis sa diffusion le 3 juin, la BBC a affirmé qu’Aliou Sall avait reçu en 2014 une prime secrète de 250.000 dollars de la part du groupe Timis, où il avait en outre été engagé après l’arrivée de son frère au pouvoir pour un plantureux salaire, selon la BBC, de 25.000 dollars par mois.
Aliou Sall a formellement démenti avoir reçu cette prime et menacé de porter plainte pour diffamation contre la chaîne britannique, avant d’y renoncer à la suite de l’ouverture d’une information judiciaire au Sénégal.
Le frère du président avait déjà démissionné en octobre 2016 de son poste au sein du groupe Timis après de premières critiques sur un possible conflit d’intérêts. Il avait ensuite été nommé par décret présidentiel à la tête de la CDC.
La pression s’est accentuée avec des manifestations d’opposants et de la société civile les 14 et 21 juin pour réclamer la « transparence » des contrats liés à l’exploitation du gaz et du pétrole. Macky Sall a dénoncé une « tentative de déstabilisation » du pays, sans se prononcer sur le cas de son frère.
En marge de cette affaire, le chef de l’Etat a limogé lundi son ministre-conseiller en communication, El Hadji Hamidou Kassé, qui avait maladroitement tenté de défendre Aliou Sall le 19 juin sur TV5.
- Kassé avait expliqué à la chaîne francophone qu’une prime de 250.000 dollars avait été effectivement versée à une société appartenant à Aliou Sall, mais au titre, selon lui, d' »une mission de consultation agricole ». Il avait été démenti par le camp d’Aliou Sall. Annoncée par la presse locale, son éviction a été confirmée à l’AFP par une source proche de la présidence.
Plusieurs personnes, dont des opposants et des experts, ont été auditionnés par la Division des investigations criminelles (DIC, police judiciaire) et la section de recherches de la gendarmerie, depuis l’ouverture de l’enquête et le lancement d’un appel à témoins lancé le 12 juin par le procureur de la République, Serigne Bassirou Guèye.
(afp)