Burkina-Yako-Entrepreneuriat
Burkina/Province du Passoré : L’entrepreneuriat avicole, un domaine rentable mais très sérieusement menacé
Yako, 11 fév. 2022 (AIB) – L’aviculture est reconnue pour sa forte rentabilité financière mais la survie de la volaille constitue la principale inquiétude des éleveurs des gallinacés dans la Province du Passoré. Des pathologies comme la grippe aviaire en passant par la cherté des produits vétérinaires et produits alimentaires inquiètent quant à la pérennité du secteur de la volaille dans le chef-lieu de la province du Passoré, Yako, à une centaine de kilomètres de la capitale burkinabè.
Espaces aménagés en famille pour les uns et fermes pour d’autres en zones non loties, ou zones hors agglomérations, l’entrepreneuriat de la volaille est devenu l’une des principales sources de revenus pour bon nombre de familles dans la cité de Naba-djiguèmdé.
Certes génératrice de revenus, la survie de l’activité dépendrait selon les amateurs du domaine, de l’éradication ou de la prévention des pathologies les plus mortelles comme la grippe aviaire pour cette variété d’oiseaux.
Thomas Nanama est le propriétaire de la ferme avicole « Sidwata » à Bagbo, un village situé sur l’axe Yako-Koudougou à environ 2km de la ville. De peur de faire contaminer sa volaille, le fermier Nanama que nous avons rencontré le dimanche 23 janvier 2022 nous a accueillis sous un hangar situé à l’entrée principale de sa ferme.
Peu après les échanges, il nous invite à l’intérieur de la ferme, à condition de plonger les pieds dans l’eau désinfectée contenue dans un trou situé à l’entrée de chaque compartiment.
Instituteur de formation, il nous a expliqué d’abord sa passion et les avantages de cette activité secondaire à laquelle il s’est consacré depuis 2013 avant de déplorer la forte mortalité des gallinacés. Au moins 300 poules pondeuses sont mortes en décembre 2021.
Loin de se faire abattre par le découragement, M. Nanama a décidé de fortement s’investir dans la production et la vente des poussins et des pintadeaux. Une option qui reste jusque-là, selon lui, la principale alternative pouvant minimiser la mortalité de sa volaille.
En plus de la production et la vente des poussins, le quarantenaire dit avoir aussi réduit considérablement le nombre de têtes de volaille dans sa ferme. Des anecdotes, il en a toujours souvenance pour illustrer sa mésaventure dans son activité de fermier.
« Je suis arrivé un matin et j’ai constaté que mes poules étaient malades malgré que je fusse à jour de mes vaccinations » a expliqué désespérément l’enseignant-éleveur en rappelant tout de même certains signes de la pathologie de la grippe aviaire dont il se souvient encore.
« Il y avait des enflures de têtes, des fientes verdâtres qui ressemblaient un peu au New Castle mais le taux de mortalité était très élevé parce qu’en 72 heures, j’ai perdu près de 300 de mes poules pondeuses » a-t-il déploré.
Comment a-t-il géré les cadavres des poules qui constituent un danger aussi bien pour le reste de la ferme que pour le consommateur ? Au risque d’une éventuelle contamination massive de la volaille ayant échappé à la maladie, l’instituteur dit avoir fait recours à des connaissances sur la pathologie qu’il a acquises par le biais des réseaux sociaux pour sauver encore ce qui pouvait l’être de sa ferme avicole.
Et l’on comprend plus aisément le manque notoire de suivi et de formation qu’il pourrait bénéficier des techniciens de l’élevage. Une faute qu’il reverse aux autorités en charge de la santé animale.
Considérant que la grippe aviaire est la pathologie la plus dangereuse et incurable de la volaille, l’usage du vaccin peut être pour lui le moyen le plus efficace pouvant prévenir les sujets malades. Sans oublier que la formation demeure la clé de voûte dans l’activité d’élevage, surtout celles des gallinacés.
L’homme au regard quelques fois méprisant qui s’est investi en autodidacte recommande une implication plus sérieuse des services techniques en santé animale à travers entre autres, la formation et surtout l’accès et la disponibilité des produits de soins et d’aliments de qualité dont le coût est trop élevé à Yako.
Comme le fermier Thomas Nanama, Salif Yamkoudougou s’est aussi engagé dans l’activité de l’élevage des « aves », nom scientifique des oiseaux et plus singulièrement dans le domaine des gallinacés.
Professeur des lycées et collèges, il consacre ses temps libres à l’activité dans son domicile, au secteur 4 de Yako. Trouvé ce 21 janvier 2022, en train de nettoyer la partie de sa cour aménagée à cet effet, le trentenaire dit, lui aussi, être victime de la maladie de la grippe aviaire dans sa ferme.
Même s’il rassure maintenant avoir pris des dispositions pour éviter de subir encore les conséquences de cette pathologie incurable. Il a procédé cette année à la vente d’un nombre important de ses poules pondeuses ainsi que ses dindons. Mais le jeune Yam pour les intimes se souvient encore des sacs remplis de poules mortes qu’il a enterrées l’année dernière.
Il n’ignore pas que le secteur nécessite une réelle formation et un suivi dont il n’a pas encore bénéficié depuis qu’il exerce l’activité de ses rêves d’enfance. Il a juste quelques notions sur le mode de transmission de la grippe. Il a rappelé que, de ce qu’il sait, c’est que sa contagion est trop rapide et incurable.
D’où pour lui, la nécessité de prendre certaines dispositions préventives pour ne plus en être victime. « Pour moi, la meilleure des solutions c’est de prendre ces précautions en se désinfectant les mains, les pieds et rester très loin du virus tant que c’est possible. » a-t-il dit.
Et d’ajouter que c’est après plusieurs essais sans succès sur les poules de races, depuis maintenant 3 ans qu’il s’est réinvesti dans l’élevage de la race « Arcos », une race d’origine indienne et ce, dans la production des œufs.
L’élevage n’est pas seulement une affaire d’hommes
Fati Sawadogo épouse Kouraogo est une éleveuse depuis maintenant vingt ans. Après avoir été victime de la pathologie aviaire les années précédentes, la veuve raconte avoir décidé de marchander maintenant ses poules pondeuses avant le mois de décembre de chaque année, une période qu’elle estime plus favorable à la propagation de la maladie de la grippe aviaire.
Celle qui n’a gardé que 5 têtes de poules jusqu’à la date du 23 janvier 2022, justifie son choix par la forte propagation de la maladie surtout en période de fraicheur qui est souvent accompagnée de vent.
Contrairement à Salif et Thomas qui ont justifié leur choix pour les poules pondeuses en guise d’alternative pour faire face à la pathologie, la veuve Fati a raconté que c’est par manque d’espace qu’elle s’est contentée de la reproduction des œufs et des poussins.
Hormis le risque de mortalité, Salif, Thomas et la veuve Fati rencontrent les mêmes difficultés qui menacent ainsi la survie de leur activité d’élevage pourtant financièrement rentable. Toutefois, tous ont déploré le manque d’encadrement technique de la part des services de l’élevage de la Province.
Outre le besoin d’encadrement, ils ont dénoncé par ailleurs la cherté des aliments ainsi que le coût assez exorbitant des produits vétérinaires dans ce chef-lieu de province qui ne possède de surcroit que d’une seule pharmacie vétérinaire.
« Le sac qu’on achetait à 14 000 F CFA est passé à 17 000 F CFA sans que rien ne soit fait par les autorités provinciales alors que le prix du poulet sur le marché n’a pas connu d’évolution » a déploré amèrement Salif Yamkoudougou. Poursuivant dans sa dénonciation, M. Yamkoudougou a relevé aussi le difficile accès aux agents des services de l’élevage de la localité.
Des mortalités enregistrées dans la province
Face à la menace de la maladie au Passoré, le directeur provincial par intérim des ressources animales et halieutiques, Abdoul-Aziz Siboné qui a affirmé avoir fait des prélèvements des sujets morts dans les communes de Bagaré, Pilimpikou, Arbollé et Samba, évoque jusque-là des cas de suspicion à la grippe aviaire en attendant le retour des résultats du laboratoire de l’élevage basé à Ouagadougou.
« C’est ce qui fait que nous ne pouvons pas affirmer avec certitude qu’il s’agit de la grippe aviaire » a déclaré M. Siboné qui invite de ce fait les éleveurs ainsi que les amateurs de la viande des gallinacés à adopter des mesures de biosécurité et de signaler tout cas de mortalité suspecte au service d’élevage.
Il dit être du reste conscient que la plupart des mortalités enregistrées dans la province n’ont pas été déclarées aux services d’élevage, d’où une invite aux professionnels et aux consommateurs à plus de prudence. « Si une volaille est morte d’elle-même, le mieux serait de la détruire et l’enfouir au sol » a-t-il exhorté.
Mais Abdoul-Aziz Siboné a insisté pour que les aviculteurs aient des connaissances sur leur activité d’élevage avant de s’y lancer. Aux commerçants de volailles qui constituent selon ses dires, un facteur favorisant de la maladie, du fait de leurs mobilités, M. Siboné a recommandé de faire beaucoup attention à la volaille malade.
« La poule est l’animal la plus touchée ou fragile à la maladie de la grippe aviaire de manière générale. Sinon toute espèce de volaille domestique ou sauvage peut contracter la maladie » a évoqué l’intérimaire du directeur provincial des ressources animales du Passoré.
Mais que disent alors les services de la santé humaine sur la grippe aviaire ? Si l’existence de la pathologie aviaire est jusque-là incurable chez les oiseaux, il n’en demeure pas moins que la consommation de viande issue de ces oiseaux morts ou malades ait des conséquences sur la santé de l’homme et surtout des consommateurs.
A la question, le médecin chef par intérim du district sanitaire de Yako, Dr Mamadi Ouédraogo s’est d’abord contenté de livrer une approche définitionnelle et conceptuelle de la pathologie avant d’apporter plus d’éclairages sur les conséquences de la consommation de la volaille malade de la grippe sur l’homme.
Il a expliqué que la grippe aviaire est une pathologie des espèces animales qui est liée principalement au virus Glipo de type A, avec parfois des sous types A5 ou A7.
Dr. Ouédraogo a très clairement souligné que la grippe aviaire est une maladie de l’espèce animale qui affecte principalement la volaille et surtout les oiseaux sauvages dont les oiseaux aquatiques et domestiques.
A en croire le MCD intérimaire, les modes de transmissions de la maladie se font par un contact direct et prolongé avec la volaille infestée soit à travers la matière fécale des sujets (volailles), excepté que la principale source de contamination reste jusque-là, selon lui, la voie aérienne et l’inhalation de la poussière infestée par les fientes de ces oiseaux infectés par la grippe aviaire et non par l’alimentation.
La menace de la maladie étant réelle dans la province, Mamadi Ouédraogo a rassuré que la contagion de la grippe aviaire est rare chez l’homme. Toutefois, M.Ouédraogo a invité les amateurs de la volaille à bien cuir la viande car, a-t-il poursuivi, en dehors de la grippe aviaire, il y a d’autres pathologies qui pourraient être éliminées durant la cuisson.
« Les personnes cibles ou à risque de transmission de la maladie sont les éleveurs, les personnes transportant la volaille, leurs familles, les techniciens et les vétérinaires ainsi que le personnel de laboratoire » a-t-il ajouté avant de préciser que la période d’incubation de la maladie va de 5 à 15 jours.
Quant aux éventuels symptômes de la maladie chez l’homme, Dr Ouédraogo a cité entre autres le mal de gorge, la forte fièvre, les courbatures, la toux, les céphalées et parfois même la conjonctivite.
En faisant sien de l’adage selon lequel « vaut mieux prévenir que guérir », Mamadi Ouédraogo a préconisé surtout aux populations et aux personnes ayant constaté ces signes après un contact avec les cadavres de volailles, de se rendre dans les centres de santé les plus proches.
« Du reste, j’invite les éleveurs à vacciner leurs poussins. Aux consommateurs, je leur demande d’insister sur l’hygiène en lavant les viandes avant de les cuir, en privilégiant surtout le port des masques de protection. » a plaidé Mamadi Ouédraogo.
Agence d’information du Burkina
Zézouma Elie SANOU