Tchad: la junte refuse de négocier avec les rebelles
Les militaires au pouvoir au Tchad depuis la mort du président Idriss Déby Itno ont annoncé dimanche soir leur refus de négocier avec les rebelles qui ont lancé il y a deux semaines une offensive contre la capitale et s’étaient dit la veille ouverts à un cessez-le-feu.
Dans une déclaration à la télévision d’Etat Télé Tchad, leur porte-parole Azem Bermandoa Agouna a annoncé les intentions des militaires de mater la rébellion et demandé au Niger voisin de les aider à « capturer » le chef rebelle du Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (FACT), Mahamat Mahadi Ali.
« L’heure n’est ni à la médiation ni à la négociation avec des hors-la-loi », a martelé le porte-parole du CMT.
« Le Tchad en appelle à la coopération et à la solidarité du Niger (…) en vue de faciliter la capture et la mise à disposition de la justice de ces criminels de guerre », a ajouté le porte-parole.
Samedi, le FACT s’était dit disposé à un cessez-le-feu suite à une médiation lancée la veille entre les militaires et les rebelles par les présidents du Niger et de la Mauritanie, membres de l’organisation du G5 Sahel (Tchad, Mali, Mauritanie, Niger, Burkina Faso).
Le président du Niger, Mohamed Bazoum, avait notamment appelé le chef rebelle Mahadi Ali, selon un conseiller du chef d’Etat.
« Nous avons répondu positivement à la médiation du Niger et de la Mauritanie (et) avons affirmé notre disponibilité à observer une trêve, un cessez-le feu », avait affirmé à l’AFP samedi soir M. Mahadi Ali.
Mais au même moment, selon lui, ses troupes continuaient de se faire bombarder par l’armée tchadienne.
L’armée tchadienne a accusé dimanche des rebelles du FACT, et notamment leur chef, d’avoir fui sur le territoire nigérien.
Joint au téléphone par l’AFP, M. Mahadi Ali a affirmé pour sa part qu’il se trouvait toujours au Tchad, dans la province du Kanem, région frontalière du Niger, à environ 400 km au nord de N’Djamena.
« S’ils veulent faire la guerre, on fera la guerre. Si on nous attaque, on va répliquer », a-t-il affirmé dimanche soir à l’AFP, réagissant au refus de négocier de la junte militaire.
« Dans sa lutte contre le FACT, à laquelle d’autres rebellions tchadiennes basées en Libye ou au Soudan ont apporté leur soutien sans pour autant lancer pour l’heure leurs troupes dans la bataille, N’Djamena se sent assuré du soutien international », a estimé une source diplomatique africaine.
Et de citer la présence vendredi aux obsèques du président Déby d’Emmanuel Macron, président d’une France alliée de longue date du pays enclavé parmi les plus pauvres du monde et tenu d’une main de fer pendant trente ans par le président défunt tchadien.
« La France ne laissera jamais personne, ni aujourd’hui, ni demain, remettre en cause la stabilité et l’intégrité du Tchad », avait promis M. Macron dans son oraison funèbre.
-combats « très meurtriers »-
Le FACT, basé en Libye voisine du nord du Tchad, était passé par le Niger dans sa progression mi-avril vers la capitale N’Djamena dans le sud du pays, selon plusieurs sources concordantes.
Les rebelles du FACT ont été stoppés lundi dans le Kanem par l’armée tchadienne, appuyée dans les airs par « des vols de reconnaissance et de surveillance » de l’armée française. 300 rebelles auraient été tués dans les combats, selon l’armée tchadienne.
Plusieurs sources ont confirmé en fin de semaine à l’AFP que les combats ont été très meurtriers, « dans les deux camps » selon une source diplomatique africaine à N’Djamena. Aucun bilan du côté de l’armée tchadienne n’a été rendu public mais elle évoque dimanche « plusieurs dizaines de soldats tchadiens » tués.
Mardi, au lendemain de ces combats, le porte-parole de l’armée annonçait qu’Idriss Déby était mort des suites de blessures au front.
Le fils du défunt Maréchal Déby, Mahamat Idriss Déby, général quatre étoiles à 37 ans et jusqu’alors commandant de la Garde républicaine, la garde prétorienne du régime, est depuis le nouvel homme fort du Tchad, entouré de 14 des plus fidèles généraux de son père.
Il dispose des pleins pouvoirs mais a promis de nouvelles institutions après des élections « libres et démocratiques » dans un an et demi.
Vendredi, une douzaine de chefs d’État étaient réunis au cœur de N’Djamena, pour rendre un dernier hommage au maréchal Déby, partenaire-clé des Occidentaux dans la région dans la lutte contre les jihadistes.
Les présidents des pays composant le G5 Sahel, présents aux obsèques, ont à l’unanimité apporté leur soutien à la junte militaire.
Outre celle des rebelles, la menace pour le nouveau régime pourrait aussi venir de l’intérieur. Des rumeurs de dissensions internes à l’armée courent à N’Djamena depuis la mort du président Déby.
Un général, de la même ethnie zaghawa que l’ancien président qui a la main sur l’appareil sécuritaire, a affirmé mercredi qu’il y avait « deux camps » dans l’armée, sans que ses affirmations puissent être confirmées de source indépendante.
(afp)