Le Biochar, une vielle technique culturale pour de meilleurs rendements

Ouagadougou, 21 déc. 2018 (AIB)-Le Biochar est une pratique culturale vielle de 6 000 ans, développée par les Amérindiens avec pour bénéfice majeur, un meilleur rendement des sols. A travers cet article scientifique, le  Dr Tionyélé FAYAMA décortique davantage cette trouvaille.

 Techniques culturales

La pratique du Biochar pour améliorer de 10% le rendement des sols agricoles

                                                                                                 

  • 1.Les rachis de mais dans le ptyrolyiseur pour la production du biochar
  • 2.Une séance d’expérimentation de la production du biochar

Il n’est pas superfétatoire de rappeler que le domaine agricole occupe, en ce jour, une place importante dans l’économie des pays d’Afrique subsaharienne en général, et plus particulièrement le Burkina Faso. Cette importance se contrarie de plus en plus par une baisse continue et accrue de sa production, imputable à l’utilisation des méthodes et pratiques agricoles inappropriées, conjuguée à l’effet des variabilités climatiques. (Ouédraogo et Nonguierma, 2003). Ces variabilités climatiques ont eu des effets néfastes mesurables sur les sols, se traduisant par la baisse de rendements des cultures. Face à cet appauvrissement continu de la fertilité des sols, des spécialistes nationaux ont expérimenté cette vieille pratique amérindienne, qu’est le Biochar pour permettre à la terre de retrouver ses nutriments.  Constitué de carbone très stable avec un effet positif sur les sols, le biochar joue un rôle d’amendement.

  1. Pourquoi doit-on aller vers l’utilisation du biochar ?

Deux raisons fondamentales sont à l’origine de l’expérimentation du biochar. La première est liée aux effets néfastes de la variabilité climatique qui s’accompagne d’une dégradation des sols et d’une baisse de rendements des cultures et la seconde aux propriétés du biochar. Pour les spécialistes, étant donné que le biochar est constitué de carbone très stable, il a un effet positif sur le sol. Il a l’avantage de séquestrer le carbone contrairement au fumier et au compost. Il ne se minéralise pas alors que la minéralisation de la matière organique libère le CO2 et le N2O, tous favorables à la fertilisation du sol.

 

  1. Origine, définition et objectif du biochar

Découvert, il y a environ 6 000 ans par les Amérindiens d’Amazonie, le biochar ou agrichar est un charbon de bois écrasé en petites particules produit artisanalement ou industriellement à partir de biomasses. Sous-produit de la pyrolyse artisanale ou industrielle de biomasse végétale, le biochar a pour objectif d’enrichir les sols agricoles. Il est produit par pyrolyse [combustion lente avec peu ou pas d’oxygène] ou carbonisation de résidus végétaux comme copeaux de bois, des résidus de récolte (rachis de maïs, tiges de coton, coques d’arachides, balles de riz, etc.), les déchets organiques ou municipaux, etc. Pour Balbonné Dramane[1], « Le biochar, c’est le produit solide obtenu à l’issue d’une combustion partielle en absence ou à très faible quantité d’oxygène de toute biomasse végétale ». Il a l’avantage de séquestrer le carbone contrairement au fumier et au compost. Il ne se minéralise pas alors que la minéralisation de la matière organique libère le CO2 et le N2O, tous favorables à la fertilisation du sol.

  1. Comment produire et utiliser le Biochar ?

Deux types de procédés sont utilisés pour produire le biochar. Le procédé industriel à savoir le CO2 synthétisé en cours de production est recyclé dans le système comme énergie, ce qui limite les émissions de CO2 dans l’atmosphère et les procédés artisanaux qui sont très émetteurs de CO2. Il faut noter que La composition du Biochar varie selon le procédé de pyrolyse et la matière première utilisée selon des recherches expérimentales réalisées à l’Institut de l’Environnement et de Recherche Agricole de l’Ouest, station de recherche de Farakô-ba.  Le biochar produit est écrasé en poudre manuellement ou à l’aide d’une égreneuse de maïs ou d’un moulin. La poudre obtenue est appliquée au sol en fonction du type de culture et de la superficie. Pour les cultures irriguées ou cultures maraîchères (petites superficies) la dose d’apport du biochar est d’au moins 20 t/ha contre au moins 5 t/ha pour ce qui relève des cultures pluviales (grandes superficies) : coton, maïs. Dans les cultures irriguées ou maraichères, il faut bêcher, épandre le biochar de façon homogène sur la parcelle, émietter et mélanger au sol (épaisseur : environ 15-20cm), attendre environ 2 semaines avant de semer ou repiquer. S’agissant des cultures pluviales, appliquer sur les sillons (entre les billons) puis labourer ou refaire le billonnage, épandage localisé au poquet (0,2 kg/poquet) suivi d’un semis direct (2 semaines), mélanger au fumier puis épandre.

 

Matières premièresComposition chimique (%)
CHNO
Biochar de tourteau de colza66,62,56,124,3
Biochar de tige de coton72,21,226,6
Biochar de coquilles de noisette95,61,33,1

NB : La composition du Biochar varie selon le procédé de pyrolyse et la matière première utilisée selon des recherches expérimentales réalisées à l’Institut de l’Environnement et de Recherche Agricole de l’Ouest, station de recherche de Farakô-ba. Les images utilisées relèvent d’une part, de la pratique à la station de farakô-ba et d’autre part, de la revue documentaire. Ce papier a été réalisé à l’aide d’entretiens semi-directifs, d’observation de terrain et de revue documentaire.

                                                        

Une séance d’expérimentation de la production du biochar

    

 

  1. Les effets du Biochar sur le sol

L’amendement au sol par le biochar influence ses propriétés physiques comme la porosité du sol, l’aération du sol, la structure du sol, la rétention d’eau du sol, Rétention en eau positive sur sols acides et à pH neutre et aussi pour les sols à texture grossière ou moyenne.). Le Biochar a la capacité d’influencer aussi les propriétés chimiques des sols c’est-à-dire la rétention des nutriments, l’augmentation du pH du sol, la diminution la saturation en Al, l’adsorption des substances toxiques des sols contaminés, l’augmentation de la capacité d’échange cationique des sols, et l’accroissement de l’efficacité des engrais minéraux appliqués. Il a la capacité d’influer sur les propriétés biologiques à travers l’augmentation de près de 40% de champignons et de mycorhizes, des microorganismes du sol induisant ainsi l’immobilisation de l’azote, et de la diversité microbienne des sols, Stimulation de l’activité microbienne des sols. Tout cela contribue à l’amélioration l’activité microbienne des sols et réduit les émissions de N2O et de CO2 des sols.

 

  1. Les effets sur les rendements avec l’application du Biochar

 

Le biochar tout comme le compost et le fumier améliore les sols et par voie de conséquence améliore les rendements des cultures. Cependant, il faut noter que cet impact est relatif. Les rendements des cultures sont encore plus meilleurs dans les sols au Potentiel hydrogène (pH) acide (5≤ pH ≤ 6). Tout compte fait, le biochar augmente en moyenne de 10 % les rendements des cultures. Le défi de nos jours sur le plan de la fertilisation des sols reste l’épineuse question de l’adoption de cette alternative d’amendement de la ressource terre, chose qui peine à prendre au regard de la nouveauté du dispositif. Il faut donc une rupture d’avec les mentalités qui sont soutenues par des logiques technico-économiques et socio-culturelles.

  1. Les difficultés de productions et d’utilisation du Biochar

Il est nul doute avéré que le biochar en tant qu’amendement du sol améliore considérablement les rendements des cultures. Cependant le transfert de la technologie est susceptible de rencontrer des difficultés. La première difficulté est d’abord son caractère embryonnaire, étant donné que le Burkina Faso est dans sa phase expérimentale. Il sera sans doute en compétition avec les pratiques et normes sociales existantes. La seconde est relative à sa production. Pour Dramane Balbonné, le rapport travail et quantité de biochar peut être un facteur handicapant à l’adoption de la technologie. Ainsi, a- t-il déclaré : « il faut 500kg de biomasse végétale pour obtenir 100kg de biochar ; ce n’est pas assez simple pour les producteurs mais étant donné que c’est pour toute la vie c’est-à-dire maintenir la fertilité du sol pour 100 ans environ, cela vaut le coup.»

 Dr Tionyélé FAYAMA

Sociologue à l’Institut de l’Environnement et Recherches Agricoles, Programme « Gestion des ressources naturelles et systèmes de production », Station de Farakoba, 01 BP 910 Bobo-Dioulasso, Burkina Faso

Références bibliographiques

 

Lélé Nyambi Bonaventure (2016), potentiel d’amélioration de la fertilité des sols sableux et acides de Kinshasa par l’usage du biochar, thèse de doctorat ;

 

Bayanne Hugill (2013), le biochar, une maison biologique pour les microbes;

 

Isabelle Auclair(2013), le biochar en cycle maraicher ;

 

Pronatura (2012 ; 2015), brève historique du biochar

 Kabatanga Amos(2015), effets du biochar sur les cultures maraichères,

Ingéniorat, Université Polytechnique de Dédougou

 

[1] Agronome, spécialité Biochar, Institut des Sciences de l’Environnement et de Développement Rural/Université Polytechnique de Dédougou, entretien réalisé le 17/07/2018

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