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Le départ des militaires français du Niger, un cauchemar logistique et sécuritaire

Par Marina DE RUSSÉ, Avec les bureaux de l’AFP en Afrique de l’Ouest)

PARIS, 12 oct 2023 (AFP) – Chassée du Niger, l’armée française doit relever le défi d’évacuer ses matériels en majeure partie par voie terrestre vers le Tchad, avant leur rapatriement en France, un parcours de plus de 1.600 km traversant des zones désertiques hostiles, abritant par endroits des groupes terroristes.

– Terre, air, mer ? –

Equipés d’avions de chasse, drones, hélicoptères et blindés, environ 1.400 militaires français étaient jusqu’à présent déployés au Niger, à Niamey et dans l’ouest où sévissent des groupes armés affiliés à l’organisation Etat islamique ou à Al-Qaïda.

Poussé dehors par le régime issu d’un coup d’Etat fin juillet à Niamey, un premier contingent de soldats a quitté Ouallam (ouest) mardi par la route avec des blindés, sous escorte nigérienne, direction N’Djamena où se trouve le commandement des opérations françaises au Sahel et un millier de militaires tricolores.

De là, les hommes pourront s’envoler pour la France en avion, avec le matériel le plus sensible.

Le départ du Niger s’effectuera aussi par voie aérienne, avec « trois vols par jour » prévus jusqu’au départ complet des troupes françaises, a annoncé mercredi la télévision nationale nigérienne.

Mais pour rapatrier le matériel, la voie aérienne s’avère « très coûteuse et supposerait la mobilisation de la quasi-totalité des avions de transport de l’armée de l’air française », explique une source militaire.

Un avion A400M peut transporter deux conteneurs, bien moins que les gros porteurs russes ou ukrainiens.

Or le matériel déployé par la France au Niger pourrait représenter plus de 2.000 conteneurs, estime un ancien militaire spécialiste de la logistique en Afrique.

La voie routière puis maritime paraît donc inévitable. « La majorité des équipements devront transiter par un port en eau profonde », explique le spécialiste.

Le port de Cotonou aurait été « idéal », mais la frontière entre le Niger et le Bénin, opposé aux putschistes nigériens, est toujours fermée.

C’est donc par Douala, au Cameroun, que pourraient transiter les containers pour rentrer en France, selon plusieurs sources proches du dossier.

Le chemin vers Douala sera « long et pénible », selon ces sources, avec des ravitaillements en carburant à prévoir, des crevaisons multiples, des pannes de matériel diverses et variées et des menaces sécuritaires sur le trajet.

– Risques sécuritaires –

Selon des sources locales, le convoi terrestre de Niamey vers le Tchad longera le Nigeria en passant par Zinder, Diffa ou encore Bosso, jusqu’à la frontière avec le Tchad, via une route goudronnée, sauf un tronçon d’environ 100 kilomètres.

Or la région de Diffa, dans le sud-est du Niger, est depuis 2015 le théâtre d’attaques de Boko Haram et de sa branche dissidente, l’Etat islamique en Afrique de l’Ouest (Iswap).

Une partie de Diffa s’étend sur le bassin du lac Tchad, qui étire ses rives entre le Niger, le Nigeria, le Cameroun et le Tchad, quatre Etats qui ont mis en place en juillet 2015 la Force multinationale mixte (FMM) de 8.500 hommes, pour lutter contre les jihadistes.

Après plusieurs mois d’accalmie, la fin de la saison des pluies risque d’amplifier la menace jihadiste puisque les cours d’eau étaient des obstacles à des incursions, selon des sources locales.

Au Niger, des manifestations d’hostilité pourraient par ailleurs éclater sur le chemin des convois, comme à Téra en 2021 quand trois personnes qui protestaient contre un convoi français de Barkhane ont été tuées.

– Plusieurs mois d’opérations –

Le président français Emmanuel Macron a déclaré fin septembre que les troupes françaises auraient quitté le Niger « d’ici à la fin de l’année », un délai qui semble difficile à tenir.

Les experts envisagent plutôt une durée d’environ six mois.

Alors qu’un passage par le Bénin aurait supposé trois jours de route de Niamey à Cotonou, le trajet entre Niamey et N’Djamena peut prendre « quatre à cinq jours, si tout se passe bien aux frontières », selon le spécialiste de la logistique interrogé par l’AFP.

Ensuite, il y a 2.000 kilomètres de « mauvaise route » jusqu’à Douala, soit « une petite semaine » pour s’y rendre sous escorte, précise cette source.

Un trajet qui promet d’être harassant, à une vitesse de 50 à 60 km/h dans le meilleur des cas.

Une partie du matériel devra probablement être laissée sur place car un rapatriement serait trop coûteux.

Avec l’AFP

 

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