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Koupéla : des agents du bloc opératoire de Pouytenga dévoilent leur mode opératoire de racket

Koupéla, 31 mai 2022(AIB)-L’une évoque «une tentative satanique», l’autre infirmière reversait le fruit de ses surfacturations à son église pour laver sa conscience… l’ouverture mardi, du procès contre 11 agents du bloc opératoire de Pouytenga, semble avoir levé une partie du voile, sur un système de racket savamment orchestré contre des patients en détresse.

Le procès contre les onze (11) agents de santé du district sanitaire de Pouytenga s’est ouvert le mardi 31 mai 2022 au Tribunal de grande instance de Koupéla.

Sur les onze prévenus, seuls huit  ont été entendus.

Ils sont accusés entres autres d’avoir sollicité, reçu, exigé et ordonné de percevoir auprès de personnes devant subir une intervention chirurgicale, la somme de 60 000  contre 11 000 FCFA prévue par les textes comme coût du bloc opératoire.

Ces agents auraient également exercé des activités commerciales (vente de produits pharmaceutiques) dans des services administratifs et auraient tenu des propos injurieux à l’encontre d’autrui.

A tour de rôle, ils sont passés à la barre pour se défendre.

 

La première accusée à comparaitre devant les juridictions fut  Mme O. A. infirmière diplômée d’Etat en service au district sanitaire de Pouytenga.

Elle a reconnu les faits qui lui sont reprochés en ces termes : « Pour les patients qui viennent à notre niveau sans passer à la caisse, nous percevons 300 francs CFA pour la prise de tension et 1000 francs pour la mise en observation. »

A la demande du président du tribunal à savoir si ces actes sont autorisés, Mme O. A. a répondu par ce mot « non !».

Et pourquoi vous le faites ? a encore demandé le président.

« Je suis désolée. C’était une tentative satanique. On a su que ce que nous faisions était très grave mais nous avons pris acte.», a-t-elle répondu.

En ce qui concerne les propos injurieux tenus à l’égard de son collègue de service, l’accusée dit ne pas se reconnaitre dans ce chef d’accusation.

Pour la seconde comparue qui n’est autre que Mme T. E., elle a expliqué ceci en ces termes :

« Nous avons fait cette pratique en trois séances. Si c’est la prise de tension, je ne peux pas dire non. Mais l’achat des produits pharmaceutiques et la mise en observation, je n’aime pas faire ça».

Et le président du tribunal de répliquer : « Si vous pouvez faire ça, cela veut dire que vous pouvez tout faire. Vous savez combien vous faites perdre à l’Etat ? Si tous les agents devraient faire comme vous, imaginez ce que ça va donner ! »

« Monsieur le président, l’argent qu’on se partageait, je gardais ça pour reverser à la quête au niveau de notre église parce que ma conscience me grondait. Ma religion ne me permet pas de le faire», s’est défendu dame T. E.

La troisième personne à comparaitre fut Monsieur T. O, attaché en chirurgie au District sanitaire de Pouytenga depuis 2014.

A la demande du président du tribunal d’expliquer les faits, il a dit ceci : «Quand nous recevons un patient à notre niveau, si son cas n’est pas urgent, on le programme pour l’intervention.

Par contre pour les situations urgentes, nous avons mis en place un système pour les prendre en charge automatiquement.

Nous avons un kit de produits au bloc que nous proposons aux patients dont les cas sont urgents. C’est une initiative que le groupe du bloc opératoire à mise en place dans le but d’aider les patients.

Pour une intervention, le patient doit verser la somme de 60 000F dont 11 000 francs pour l’intervention et 49 000 francs pour les produits et consommables que nous avons utilisés. »

Pourquoi vous-vous ingériez dans des attributions qui ne sont pas les vôtres ? a demandé le procureur. « Vraiment c’était dans le but d’aider ceux qui sont dans l’urgence. », a-t-il répondu.

Monsieur O. S. est passé à la barre en quatrième position. Il s’est aussi défendu ainsi : « Quand nous recevons un patient à notre niveau, si son cas n’est pas urgent, on le programme pour l’intervention. Par contre pour les situations urgentes, nous avons mis en place un système pour les prendre en charge automatiquement. »

L’attaché en anesthésie, Monsieur Y. N. a également expliqué sa part de vérité devant les juridictions. A la demande du président du tribunal de savoir s’il avait des preuves qui montrent que les 60 000 francs qu’ils prenaient avec les patients ont été effectivement dépensés, sa réponse a été :

«C’est dans des cas urgents. » Avant d’ajouter ceci : « Notre supérieur hiérarchique n’est pas informé de cette initiative. C’est du fait que certains patients sont à cours d’argent et à la demande d’autres que nous leur proposons cela. »

Comment se fait-il que dans une administration, un groupuscule de personnes prenne des initiatives sans que le premier responsable ne soit au courant ? , s’est interrogé le président du tribunal.

Le sixième accusé à être appelé fut B. B. attaché en chirurgie au CMA de Pouytenga.

Devant le tribunal, il a nié les faits qui lui sont reprochés. « Je viens de prendre service à Pouytenga il y a à peine trois mois de cela. Je n’ai jamais pris de l’argent avec un patient pour effectuer une intervention. C’est ici que je viens de découvrir que le kit qui se trouve au bloc opératoire est né de la volonté du personnel du bloc. »

Monsieur Z. T, attaché en chirurgie a expliqué à son tour ce qu’il sait de cette affaire. « Nous étions huit à mettre cette initiative en place courant 2020-2021. L’objectif était vraiment d’aider ceux qui étaient dans l’urgence. Moi personnellement j’ai pris une somme de 60 000francs avec un patient mais rien n’est resté sur moi. »

La dernière personne à comparaitre ce jour fut monsieur M. G, attaché en anesthésie au district sanitaire de Pouytenga. Il dit n’avoir jamais été associé à cette initiative. « Je suis au bloc opératoire depuis 2018. Je ne suis pas informé de ces actions. Au regard de mon ancienneté, il y a certaines pratiques qui ne m’intéressent pas. Je n’ai jamais assisté a une réunion pour la mise en place de ce système de fonctionnement», a-t-il expliqué.

Du reste, même les 11 000 francs à ponctionner sur les 60 000 francs perçus illégalement, ne sont pas toujours reversés.

Pour preuve, le procureur du Faso près le Tribunal de grande Instance de Koupéla dit avoir constaté deux versements à la caisse de l’Etat sur un intervalle de cinq interventions chirurgicales.

Pour des raisons de sécurité, le procès a été suspendu pour reprendre le mardi 14 juin 2022.

Les six agents qui étaient détenus ont été mis en liberté provisoire.

Agence d’information du Burkina

Amédée W. SILGA

AIB-KOURITENGA

ATTENTION: Photo d’archive et d’illustration/Médecins sans frontières

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