Les discordes entre la CEDEAO et le Mali datent de 12 ans, soit avant l’arrivée du colonel Goïta au pouvoir (analyse)

Avec l’apparition, en 2012, de la crise malienne née des actions de groupes dits indépendantistes et/ou salafistes contre l’Etat malien, la Communauté des Etats de l’Afrique de l’ouest (Cédéao) avait aussitôt proposé d’envoyer des troupes au sud du Mali alors que les autorités maliennes souhaitaient un soutien militaire au nord, où se menaient les combats. Ce faisant, les soldats français de l’opération Serval ont finalement devancé les troupes de la Cédéao.

Le 20 septembre 2012 à Paris, le premier ministre malien d’alors, Cheick Modibo Diarra rendait compte des divergences importantes entre la Cédéao qui voulait déployer des troupes dans le sud du Mali alors que les autorités maliennes souhaitaient que ses troupes soient envoyées dans le Nord là où les Forces armées maliennes (Fama) mènent la guerre.

Au sortir d’une audience avec Blaise Compaoré, alors médiateur de la Cédéao dans le conflit au Mali, Modibo Diarra avait souligné les «discordances qui existent entre les propositions de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest et celles des militaires maliens, dans les plans d’intervention au Nord-Mali»
Le Premier ministre Diarra avait fait comprendre que la Cédéao dispose certes d’un plan, mais que les militaires maliens disposent eux-aussi d’un plan. «Bien sûr, la Cédéao a proposé un plan de sortie de crise. Ce plan de sortie de crise a été discuté avec les militaires maliens qui, eux- aussi, avaient un plan de sortie de crise qui décrivait dans les détails le genre d’aide dont ils ont besoin», a-t-il dit. «Nos soldats ont participé à des efforts de la Cédéao, par le passé. Aujourd’hui, c’est le Mali qui a des problèmes. La Cédéao doit venir à son secours. Il faut donc s’inscrire dans ce contexte et non dans les velléités de qui décide, de qui fait quoi, avait-il dit.

M. Diarra avait aussi exprimé l’impatience des Maliens et de son gouvernement pour une intervention pouvant aider le pays à «arrêter le plus rapidement les souffrances des populations du Nord » tout en préservant le mieux possible la vie des personnes qui seront commises dans une éventuelle intervention militaire.

Des troubles politiques, des scissions au sein de l’armée mais aussi face aux multiplications des actions subversives des groupes armées et face aux difficultés de trouver rapidement des points de convergence avec la Cédéao, le Mali s’était tourné vers la France qui elle, illico presto, lança dès janvier 2013 l’Opération Serval.

En fin de compte, la Cédéao n’a pas pu déployer sa force en attente. La mission de la Cédéao au Mali (MICEMA) qui était en préparation a fait long feu pour se muer en Mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine, placée sous la responsabilité de l’Union africaine avec l’autorisation de l’Onu.

La France s’est grandement impliquée dans la préparation de la mission, promettant de fournir un soutien logistique et de former les soldats africains de la MISMA.

La MISMA à travers la résolution 2085 se donna une mission mesurée de contribuer à «reconstituer la capacité des forces armées maliennes». Elle fut vite remplacée au bout d’une année d’opérationnalisation par la Minusma, une mission onusienne. La mission française Barkhane soutenue par des pays membres de l’OTAN ainsi que la création du G5-Sahel feront oublier la Cédéao dans la gestion de la crise, excepté sans doute son médiateur.

La Cédéao reviendra en force au Mali mais cette fois pour faire subir aux Maliens de lourdes sanctions, allant jusqu’à la fermeture des frontières terrestres et aériennes entre les pays de la Cédéao et le Mali, la suspension de toutes les transactions commerciales et financières entre les États membres de la Cédéao et le Mali, à l’exception des produits suivants: les produits alimentaires essentiels, les produits pharmaceutiques, les fournitures et équipements médicaux, y compris les matériels de contrôle du Covid-19, les produits pétroliers et l’électricité ou encore le gel des avoirs de la république du Mali dans les banques centrales de la Cédéao.
Ces sanctions de la Cédéao, inédites et rejetées par les populations de l’espace communautaire, ont été jugées injustes par la cour de justice de l’UEMOA qui ordonna un sursis à exécution des sanctions.

Aimé Mouor KAMBIRE

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