JO en France: des malades mentaux privés de sortie au passage de la flamme olympique

Paris, France

En France, à moins d’un mois des Jeux olympiques, les autorités serrent la vis aux malades mentaux hospitalisés sous contrainte. Partout où passe la flamme, les préfets découragent les autorisations de sorties, au regret des médecins qui craignent pour la santé des patients.

« On a été saisis par beaucoup de médecins et de directeurs d’hôpitaux: de tous les coins de France, des professionnels nous ont alertés », rapporte à l’AFP Dominique Simonnot, contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, parmi lesquels figurent les services psychiatriques.

Mme Simonnot veille, au nom de l’Etat mais indépendamment du gouvernement, au respect des droits des personnes privées de libertés dans le pays. Cela inclut les patients hospitalisés contre leur gré, dont le traitement suscite l’inquiétude à l’approche des Jeux Olympiques (26 juillet-11 août) et Paralympiques (du 28 août au 8 septembre) de Paris.

En France, une personne souffrant de troubles mentaux requérant des soins et une surveillance constante peut être hospitalisée « sans son consentement » ou « sous contrainte », à la demande du préfet en cas de trouble à l’ordre public, à la demande d’un tiers, ou encore en cas de « péril imminent ».

Des certificats médicaux doivent attester d’un état mental justifiant l’impossibilité de donner un consentement et la nécessité du soin.

Ces derniers temps, de Bordeaux à Nantes (ouest) en passant par Mulhouse (est), un scénario se répète systématiquement: à chaque étape du parcours de la flamme olympique, la préfecture demande aux établissements de santé de reporter les sorties de patients jugés potentiellement dangereux.

L’AFP a, par exemple, consulté une note de l’Agence régionale de santé (ARS) du Grand Est – relayée notamment par les médias – qui sert ici de courroie de transmission entre la préfecture et les établissements de santé.

« En raison du passage de la flamme olympique dans le Haut-Rhin (est du pays) le 26 juin prochain, des mesures d’attention particulière sont attendues concernant les individus atteints de troubles psychiatriques », dit cette note, précisant avoir été rédigée « à la demande de la préfecture ».

Pendant deux jours, il a été explicitement demandé un « report des sorties non accompagnées (et) accompagnées » à l’exception de certains rendez-vous médicaux.

« Pourquoi on les empêche de sortir au moment du passage de la flamme ? C’est assez tragique, quand on vante des Jeux paralympiques avec l’inclusion des handicapés », regrette Mme Simonnot qui a adressé un courrier au ministère de l’Intérieur.

– Une « dérive » –
Ces mesures s’inscrivent dans un contexte où les autorités mettent en oeuvre un important dispositif sécuritaire en vue des JO.

En outre, plusieurs drames ont récemment attiré l’attention sur le suivi de malades potentiellement dangereux. Fin 2023, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin avait ainsi pointé un « ratage psychiatrique » après une attaque mortelle au couteau près de la tour Eiffel.

Le 2 décembre 2023, un Franco-Iranien de 26 ans connu des services de renseignement pour son islamisme radical et ses troubles psychiatriques, avait tué un touriste germano-philippin à coups de couteau, et blessé deux autres personnes à coups de marteau.

Cette attaque avait relancé le débat sur le défi sécuritaire posé par les JO, en particulier le 26 juillet lors de la vaste parade fluviale prévue sur la Seine au coeur de Paris, première cérémonie d’ouverture jamais organisée hors d’un stade.

Mais du côté des autorités on assure qu’aucune consigne nationale n’a été donnée quant à des restrictions liées au passage de la flamme ou pendant la période des JO.

Pour nombre de médecins, c’est en tout cas un contresens de rogner sur les libertés des patients, serait-ce au nom de la sécurité publique.

Le psychiatre Frank Bellivier, délégué à la psychiatrie au ministère de la Santé, y voit « une dérive qui doit être dénoncée ». « C’est inacceptable car ça assimile d’office le malade mental à quelqu’un de dangereux », dit-il à l’AFP.

Car souligne-t-il, c’est le psychiatre qui est compétent pour déterminer si un patient est trop dangereux pour sortir. Or, les instructions préfectorales s’appliquent a priori et sans distinction, ce qui choque médecins et proches des malades.

Cette « logique de principe de précaution » équivaut à « une stigmatisation maximum, qui marque au fer rouge les personnes atteintes de troubles psychiques », regrette Marie-Jeanne Richard, présidente de l’Unafam, association qui regroupe des proches de malades mentaux.

Comme nombre de psychiatres, elle souligne le caractère délétère de telles privations de liberté pour le rétablissement des patients concernés.

Si les mesures n’ont pour l’heure duré que quelques jours, le temps que la flamme traverse les zones concernées, l’inquiétude porte désormais sur la période des Jeux elle-même, bien plus longue.

Avec AFP

© Agence France-Presse

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