Réponse à l’attaque iranienne, le dilemme israélien

Jérusalem-Frapper vite et fort au risque de l’embrasement ou jouer la montre pour empocher des gains diplomatiques ? Pourtant sous pression, le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, silencieux depuis l’attaque iranienne contre Israël, prend son temps pour rendre sa décision.

Benjamin Netanyahu n’a pas pris le temps de s’adresser aux Israéliens après la pluie de drones et de missiles iraniens qui s’est abattue sur le pays dimanche: il a réuni deux cabinets de guerre et appelé son allié américain. Des photos transmises à la presse en témoignent.

Mais on ne sait toujours rien de ce à quoi pourrait ressembler la riposte à la première attaque directe menée par la République islamique d’Iran sur le territoire israélien, lancée en réponse à une frappe contre le consulat iranien à Damas le 1er avril, imputée à Israël.

Tout juste « Bibi » s’est-il fendu d’une déclaration très courte sur son compte X, où il célèbre le succès de la défense israélienne.

Des ministres sont en revanche montés au créneau. Parmi les faucons, Itamar Ben Gvir, le ministre de la Sécurité intérieure qui dès la nuit de l’attaque a plaidé pour une réplique « écrasante. »

Le chef de l’opposition l’a taclé. « Demander aux ministres de ce gouvernement d’adopter un comportement responsable est mission impossible, mais ils doivent au moins cesser de pérorer dans les médias en menaçant l’Iran », a écrit Yair Lapid sur X.

 

L’ancien Premier ministre Ehud Barak a fustigé ceux « qui veulent mettre le feu à tout le Moyen-Orient » et accusé M. Netanyahu de n’obéir qu’à « des raisons personnelles de survie politique. »

Alliés historiques d’Israël, les Etats-Unis ont d’ores et déjà dit ne pas vouloir « d’une guerre étendue avec l’Iran », et prévenu qu’ils ne participeraient pas à une opération de représailles contre l’Iran.

Alors qu’ils ont contribué à défendre Israël lors de l’attaque iranienne, le Royaume-Uni et la France ont pris leur distance. Le chef de la diplomatie britannique, David Cameron, a exclu une participation de son pays à une riposte et le président français Emmanuel Macron a appelé à éviter un « embrasement » régional.

L’Iran a dit considérer « l’affaire close » et mis en garde Israël, son ennemi juré, contre tout « comportement imprudent » qui déclencherait une réaction « bien plus forte » de sa part.

– « Rien dans l’immédiat » –

Israël joue gros dans cette affaire car sans ses alliés occidentaux et arabes –Jordanie et Arabie saoudite–, son Dôme d’acier et ses chasseurs auraient probablement été saturés par le feu iranien.

La coalition tactique menée par les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France, et impliquant des pays de la région comme la Jordanie, est un projet qu’Israël avait en tête depuis plusieurs années.

En septembre 2022 encore, Israël avait dit souhaiter la formation d’une « coalition de dissuasion » contre l’Iran et avait sollicité l’aide de nombreux pays, dont la France, sans que cela n’aboutisse.

Ce gain est donc précieux pour le pays, a fortiori alors que le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken évoquait fin-mars un risque pour Israël de « s’isoler davantage », au regard du lourd bilan civil de la guerre avec le Hamas à Gaza.

Paradoxalement, cette union sacrée face à l’Iran « limitera la liberté d’action pour sa réponse », notait sur X dimanche matin Tamir Hayman, le directeur de l’Institut d’études sur la sécurité nationale (INSS) et ancien militaire.

Pour ne pas froisser ses alliés, Israël pourrait donc temporiser d’éventuelles représailles.

« Il serait utile de maintenir cette alliance de défense occidentale, sunnite et israélienne qui est presque sans précédent, donc cela va plutôt dans le sens de la retenue », résume Calev Ben-Dor, ancien analyste au ministère des Affaires étrangères israélien, aujourd’hui rédacteur en chef adjoint de la revue spécialisée Fathom.

« En même temps, au Moyen-Orient, on ne peut pas être attaqué par plus de 300 missiles et drones et ne rien faire », poursuit-il.

« Je suppose qu’il ne se passera rien dans la quinzaine à venir, ce n’est pas quelque chose qu’Israël doit faire dans l’immédiat, mais Israël ripostera, probablement de manière plus discrète, au moment et à l’endroit qu’il aura choisi », avance M. Ben-Dor.

Ce ne sera « pas frontal », pronostique Jean-Loup Samaan, chercheur à l’Institut français des relations internationales (IFRI), pour qui une telle option ne recueillerait pas l’aval américain.

Un diplomate d’un pays ayant participé à la coalition a dit à l’AFP être « satisfait » que « la ligne des faucons » ne l’ait pas emporté au cours du week-end.

« On leur dit: travaillons ensemble à la désescalade, il y a une fenêtre d’opportunité où vous avez la sympathie de l’opinion », commente le diplomate, ajoutant: « rien n’est exclu à ce stade ».

Jeremy Issacharoff, ancien diplomate israélien, explique le moment de flottement: « moins on en dit, mieux c’est: à ce stade, les Iraniens devraient s’inquiéter, rester dans le flou autant que possible, pas besoin que qui que ce soit leur donne des appuis. »

AFP avec AIB

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