Tri d’ordures ménagères

Ces Bobolais à la quête de leur pitance dans nos poubelles

De nombreux hommes, femmes et enfants de Bobo-Dioulasso se battent chaque jour entre les ordures ménagères dans les dépotoirs pour avoir de quoi subvenir aux besoins fondamentaux de leurs familles. Malgré les risques et le mépris que l’on pourrait avoir pour eux, ces acteurs refusent la mendicité pour se retrouver dans les décombres des ordures. Une équipe de Sidwaya est allée à leur rencontre dans la matinée du samedi 22 janvier 2022 sur le site de l’ancien cimetière du secteur 22 de la ville, jouxtant l’Université Nazi Boni.

 

Dans des ordures à perte de vue, un mixage d’odeurs nauséabondes accueille le premier venu dans ce grand espace de l’ancien cimetière du secteur 22 de la ville de Bobo-Dioulasso, devenu pour nombre de Bobolais, un dépotoir de déchets. Malgré cet environnement peu enviable et un air quasi irrespirable, des hommes, des femmes et des enfants côtoient des animaux qui fouinent dans les décombres pour s’alimenter. A la différence des animaux, parce qu’ils sont humains, ces hommes, femmes et enfants cherchent également leur pitance quotidienne au milieu de ce qui reste des tombes du cimetière.

En cette matinée du samedi 22 janvier 2022 et dans un froid glacial de la période d’harmattan, Djènèba Niamba, sans gants ni chaussures de protection, enjambe difficilement les ordures ménagères, les trillant avec une bonne dose de dextérité. « Notre quotidien, nous le passons parmi ces tas d’ordures ménagères que nous déverses la ville. Certains nous traitent de misérables, d’autres même nous traitent de fous. Personne ne désir travailler dans des poubelles, mais nous n’avons pas le choix, il faut qu’on nourrisse nos familles », lâche impuissante cette mère de sept enfants.  Agée d’une cinquantaine d’années, elle fréquente ce site depuis plus de trois ans années. Ce n’est pas le travail qui manque sur ce site, laisse-t-elle entendre.

« Ici, dès le matin, je collecte des sachets plastiques, des chaussures hors d’usage, des bidons, du fer, des sacs et des chiffons. Je les trie parmi les déchets et je les dépose par lots pour qu’après on vienne les peser », dit-elle entendre. Quoique pénible et peu rentable, poursuit dame Niamba, le tri des ordures lui permet tout de même de gagner de quoi subvenir aux besoins de sa famille. « Je peux gagner 1 000 à 1 500 F CFA par jour. Avec cet argent, j’achète du maïs et d’autres denrées pour alimenter ma famille », justifie-t-elle. A écouter Mme Niamba, elle est le seul espoir de sa famille, ce qui la fait travailler si dure malgré son âge avancé. « J’ai sept enfants qui n’ont pas de boulots convenables et mon mari s’est retrouvé handicapé suite à un accident de la circulation, il y a de cela cinq ans. Je suis obligée de me battre pour assurer leur santé et leur alimentation, mais aussi leur éducation », fait-t-elle savoir.

 

A 10 ans, il trime pour soigner sa mère

 

Tout comme Mme Niamba, l’énorme décharge du secteur 22 accueille de nombreuses personnes parmi lesquelles Mohamed Porgho. Ce jeune garçon de 10 ans en classe de CE2 est sur le site depuis 9 heures comme à son accoutumée, les weekends, sans chaussures ni gants ou cache-nez. A l’entendre, ses motifs sont tout autre que de subvenir lui-même à ses petits « caprices » d’enfant.

« Je viens chercher les sachets dans ces tas d’ordures pour les vendre et donner l’argent à ma sœur pour qu’elle l’envoie à notre mère qui est partie dans un village derrière Ouagadougou pour se soigner », explique-t-il. D’après le jeune Porgho, ce travail qu’il faisait autrefois avec sa mère, lui permet d’avoir un peu d’argent et de contribuer aux frais de soins de celle-ci. « Je peux ramasser les sachets et les fers, les collecter et les revendre dans quelques jours autour de 2 000 F CFA, puis on envoie cette somme à ma mère pour ses besoins », indique-t-il.

Un peu plus loin, Awa Traoré, la quarantaine sonnée, fouille les ordures, les mains nues et avec des chaussures qui peinent à couvrir la plante de ses pieds. A l’arrivée d’un tricycle plein d’ordures, c’est la bousculade. Chacun veut avoir le « gros lot du butin ». « Je cherche principalement le fer et les chaussures usées. Les sachets ne s’achètent pas bien. On peut vendre tout un kilo à 50 F CFA, souvent moins », déclare Mme Traoré. Au même titre que Djènèba Niamba, Awa Traoré dit avoir d’énormes charges familiales. « Je suis seule avec mes enfants et c’est moi qui m’occupe de leur santé, leur alimentation et frais de scolarité », fait-elle comprendre. Selon elle, la vente des ordures peut lui procurer entre 2 000 et 4 000 F CFA par jour, ce qui lui permet d’être aux petits soins des siens.

 

Un business tout de même

 

Sur ce site de fortune et au milieu des tombes, c’est tout un business qui s’organise. Ibrahim Tenguiri, après quelques années de tri des ordures, est aujourd’hui acheteur sur place. « Ici, j’achète les sachets, les chaussures, les bidons et le fer. Après le ramassage, c’est chez moi qu’elles viennent vendre. A mon tour, j’ai des clients en ville qui viennent ici régulièrement pour acheter à des prix variables », explique l’ancien collecteur d’ordures. A en croire Ibrahim Tengueri, le travail est très peu rentable et souvent le désespoir gagne les acteurs.

« J’achète le kilogramme de sachets plastiques ou de bidons usés à 50 F CFA et je le revends à 75 F CFA. Celui du fer et des chaussures usées s’achète à 200 F et je peux le revendre à 250 F CFA.  Parfois, le marché est morose car nous devenons de plus en plus nombreux sur ce site », fait-il comprendre. C’est dire donc que Ibrahim Tengueri doit désormais faire face à la concurrence.  Moussa Traoré dit être l’un des premiers à s’installer sur ce site en 2012 en tant que fouilleur d’ordures ménagères. Aujourd’hui, il dit avoir créé sa propre ligne d’acheteur-revendeur. « Ici, j’achète les vieux chiffons qui sortent de cette décharge et bien d’autres choses comme les bidons usés, les sacs hors d’usage et je les revends. Je fais ce travail depuis 11 ans », affirme-t-il. Selon M. Traoré, ces ordures regorgent d’énormes trésors.

« Beaucoup de personnes arrivent à subvenir à leurs besoins grâce à ce qui se trouve parmi ces déchets », fait-il savoir. Aussi poursuit-il que certes ce travail est rentable, mais il fournit juste ce dont ses acteurs ont besoin pour survivre. « Il ne nous permet pas de faire des économies et nourrir de grands rêves », regrette-t-il.

Pour Moussa Traoré et les autres acteurs exerçants dans cette décharge, ce n’est pas les difficultés qui manquent. « Nous rencontrons toutes sortes de choses en ces lieux. Nous touchons tout ce que les gens n’aimeraient jamais toucher ni voir et le plus souvent sans matériel de protection adéquat. La nuit par exemple, beaucoup se plaignent de toux et de maux de tête sans doute à cause du soleil et de la poussière. Aussi, l’image que les gens ont de nous est très négative et c’est bien dommage. Nous sommes comparés généralement à des fous ou à des misérables », se désole-t-il au nom de tous les acteurs.

Sosthène SOMBIE (Stagiaire)

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