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Milieu du travail au Burkina: Des victimes du harcèlement sexuel muettes, mutées ou licenciées

Ouagadougou le 18 juillet 2019 (AIB) – Le milieu du travail au Burkina Faso comporte des exigences vicieuses. Des faveurs sexuelles sont souvent exigées pour décrocher et préserver son emploi. La pratique est en passe de devenir un fait banal aussi bien dans l’administration publique que privée. Les victimes sont des femmes, mais des hommes en font quelquefois les frais.

1- Blandine Kafando refuse désormais les missions dans le cadre du service

C’est avec beaucoup d’appréhension que les victimes du harcèlement sexuel au travail au Burkina Faso témoignent, bien souvent, sous anonymat. Alimata Sawadogo (nom d’emprunt), âgée d’une trentaine d’années, a servi comme secrétaire de direction dans une entreprise privée à Bobo Dioulasso (350 km à l’Ouest de la capitale Ouagadougou).

Quelques mois après, se souvient-elle, elle a rendu sa démission, pour fuir son employeur qui tenait coûte que coûte à «découvrir ce qu’elle cache sous ses dessous».

«Mon patron avait commencé à m’appeler en dehors du cadre du travail, les weekends, souvent très tard dans la nuit. J’avais peur (de le décevoir, ndlr) et je décrochais.  Mais avec la multiplication des coups de fil et souvent sans objet, j’ai décidé de ne plus répondre. C’était le début de mon calvaire. C’est alors qu’il a commencé à me persécuter au bureau. Désormais, il me demandait à la fois une chose et son contraire», relate-t-elle d’un air affligé.

Madame Sawadogo se souvient que son patron d’alors, avait fini par perdre patience et lui a lancé des propos du genre «depuis que tu travailles ici, est-ce que j’ai une fois vu tes cuisses. Je ne sais pas si tu es une fille ou un garçon». C’en était trop pour Mme Sawadogo. «J’ai démissionné car je ne voulais pas offrir mon corps en contrepartie de quoi que ce soit», confie-t-elle.

«On en fait plus que le bonjour»

2- La présidente du tribunal du travail Valéry Bonkoungou/Saouadogo

Etudiante à Ouagadougou, Affi (nom d’emprunt), lors d’un stage pratique dans un service de régulation, a été approchée par un sexagénaire. «Il m’a proposé de m’intégrer comme assistante du directeur, à condition qu’il dispose de mon corps comme bon lui semble», raconte l’étudiante qui a refusé le troc en jeu.

Blandine Kafando (nom d’emprunt) est journaliste de profession résidant dans la capitale Ouagadougou. Elle a souffert du comportement peu convenu, selon elle, de ses collaborateurs qui n’hésitaient pas à la tapoter à cause de ses généreuses formes.

«On dit que c’est un bonjour, mais on en fait plus que le bonjour ; d’autres même veulent t’embrasser de force», se plaint la journaliste.

Elle dénonce aussi l’attitude de certains hommes qui s’imaginent que les missions de travail en compagnie de leurs collègues femmes, sont des occasions pour coucher avec elles.

«Je refuse les missions à cause de cet état de fait», explique Blandine Kafando.

3- Me Oumarou Ouédraogo invite les victimes à ne pas garder le silence

Papou (nom d’emprunt), un jeune de 30 ans, chauffeur au service de la responsable de projets et programmes d’une ONG, a cédé aux menaces de licenciement proférées par sa patronne. Celle-ci racontait qu’elle avait déjà renvoyé un chauffeur sur la base d’un faux rapport. Et depuis lors, raconte Papou, «lorsque part en mission, j’ai l’obligation de passer mes nuits avec elle».

Le constat de la journaliste Blandine sur le sujet, c’est qu’«au Burkina, le harcèlement est un sujet banalisé». Le phénomène est très répandu dans nos administrations, surtout privées selon la présidente du Tribunal du travail de Ouagadougou, Valéry Bonkoungou/Saouadogo.

Mais l’Inspection du travail du Centre dont relève Hahandou Kaboré, bien que recevant des plaintes en la matière, ne dispose pas de statistiques claires, au vu du caractère tabou du sujet.

Pour Madame Bonkoungou « face au harcèlement, la victime de l’administration publique est mutée ailleurs, alors que celle du privé est contrainte de céder ou de démissionner ».

Peu de victimes font appel au tribunal

Mais l’Inspection du travail du Centre dont relève Hahandou Kaboré, bien que recevant des plaintes en la matière, ne dispose pas de statistiques claires, au vu du caractère tabou du sujet. Pour Madame Bonkoungou « face au harcèlement, la victime de l’administration publique est mutée ailleurs alors que celle du privé est contrainte de céder ou de démissionner ».

4- L’Inspecteur du Travail Hahandou Kaboré

Le code du travail du Burkina considère le harcèlement sexuel comme  un délit passible de peines de prison et précise qu’il consiste à obtenir d’autrui par ordre, parole, intimidation, acte, geste, menace ou contrainte, des faveurs de nature sexuelle.

Ce code, adopté en 2008, est présenté comme favorable aux victimes, de l’avis des spécialistes dans la mesure où la charge de la preuve est inversée.

«Si vous êtes victimes et que vous arrivez à donner les indices au Tribunal, il appartient à l’autre de prouver que les faits ne sont pas réels», soutient la juge Valérie Bonkoungou/Saouadogo.

 

5- Affi s’est vue proposer un poste d’Assistante en échange de son sexe

Malgré l’ampleur du phénomène au Burkina Faso, les dénonciations sont rares. Et cela pour diverses raisons.

Il y a la peur du renvoi, le fait que le sujet soit encore tabou sous nos cieux et la difficulté de réunir des preuves.

Dans le Code du travail, la preuve peut être une photographie, un enregistrement, des SMS, des conversations téléphoniques contenant des propositions indécentes et des mots osés.

Il y a aussi l’apport des témoins, selon Me Oumarou Ouédraogo, avocat à la Cour. Mais l’avocat précise que les témoins qui sont souvent des employés, sont réticents par peur d’être licenciés.

D’ailleurs, en cas de procès pour harcèlement, le tribunal préfère ne pas recourir aux témoignages afin de «ne pas exposer ces personnes à la réprimande de l’employeur, sauf s’ils décident de le faire librement», a révélé la présidente du tribunal de travail, Valérie Bonkoungou.

D’autre part, le regard de la société pourrait amener certaines victimes à se résigner comme l’assure l’avocat Oumarou Ouédraogo.

Selon lui, dénoncer un harcèlement sexuel fait de vous un objet de curiosité si vous êtes une jeune fille. Et quand vous êtes une femme mariée, c’est encore plus compliqué, car vous ne saurez jamais la réaction du mari.

La juge Bonkoungou aussi s’interroge : «Je ne sais pas si c’est la pudeur ou la peur de se voir réprimer qui fait que les langues ne se délient pas aussi facilement sur le sujet ?».

Au-delà des questions de mœurs, le silence des victimes, de l’avis de l’Inspecteur du travail, Hahandou Kaboré s’explique.

Selon lui, si une victime porte plainte contre son patron pour harcèlement, la probabilité pour qu’elle se fasse embauchée dans une autre entreprise est moindre.

 «Un jour, il y a une employée qui a dénoncé son patron et il a eu à dire que nous sommes tous à Ouagadougou. Donc des menaces à peine voilées».

 En plus, poursuit l’Inspecteur, «les chefs d’entreprises travaillent en réseautage et ils communiquent entre eux. Et quand vous voulez postuler à un emploi et qu’on vous demande une lettre de recommandation ou de justifier votre expérience professionnelle, il se peut que vous ayez besoin de la signature de votre ancien patron».

Malgré tout, Me Ouédraogo invite les victimes à s’assumer et à dénoncer les faits de harcèlement.

A cet effet, il a rassuré que les audiences pour les dossiers liés au harcèlement se tiennent généralement à huis-clos. N’y prennent part que la victime, l’accusé, les témoins et les avocats.

Agence d’information du Burkina

Rabiatou SIMPORE

1 COMMENTAIRE

  1. Que dire des femmes ou filles qui acceptent l argent pour accuser leur patron? Au Burkina, il existe des gens qui, pour nuire, donnent de l argent pour nuire. Vous le savez bien. Je peux me permettre de dire que plus de 80% des cas ne sont pas des harcèlements mais des trahisons de la part de la femme qui met son patron en colère. Désolé mais aujourd’hui, sur 10 femmes, il n y a pas 2 qui refusent. Bref….commençons d abord à dire aux femmes qu un engagement doit être respecté ou l on refuse de le prendre. Une fois que l on prend l engagement, on doit le respecter. Il y a même des cas où quand ça va chez le patron et qu il arrive à assurer l achat de la moto ou de la voiture, payer le loyer, assurer les besoins etc…les jambes en l air sont sans débat mais le jour où le patron commence à avoir des soucis d argent, la femme commence à s éloigner et à refuser ce qu elle avait accepté. Arrêtons de vouloir divertir.

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