2. Le creusage de galeries aux abords des ravins détruit les arbres.

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Burkina/Extraction de sable dans le Ganzourgou : une tueuse silencieuse de l’environnement

Ouagadougou, 09 mai 2023 (AIB)-Des tonnes de sable extraites des villages du Ganzourgou prennent la direction de Ouagadougou pour tenter de combler la forte demande d’une capitale en plein boom immobilier. Si ce business apporte quelques devises aux populations locales en majorité pauvre, le désastre environnemental s’épaissit d’année en année et commande urgemment des actions. Constat.

 Ce camion charge du sable déposé aux abords de la route

Fosses béantes, galeries et troncs d’arbres dénudés, tel est le visage hideux que présentent les sites d’extraction de sable dans la commune de Zorgho, située dans la région du Plateau central, à 110 km à l’Est de Ouagadougou.

L’extraction manuelle du sable se fait aussi bien sur les berges sablonneuses que dans le lit des cours d’eau.

Dans la matinée du jeudi 22 décembre 2022, à 10 heures, sur le site de Kolgkomin du village de Bangbili, situé à 6 km de la ville de Zorgho, une dizaine de femmes, d’enfants et de jeunes, munis de balais, de pelles ou de dabas s’activent pour extraire le sable.

Une denrée qui se raréfie de jour en jour et pousse la population à creuser des galeries sur les flancs des cours d’eau.

La soixantaine bien sonnée, Christine Kaboré fait du ramassage de sable son activité principale depuis plus d’un an.

Elle lui permet d’améliorer son quotidien et de s’occuper de ses petits-enfants.

« Il faut ramasser le sable pendant plusieurs jours pour avoir la quantité d’une benne ou d’un tricycle et après attendre quatre mois avant d’avoir un acheteur», a-t-elle laissé entendre.

Non loin d’elle, une jeune femme de 35 ans, Zénabo Tapsoba, un seau sur la tête, verse du sable sur un tas qu’elle a pu constituer la veille.

« Je peux faire un mois sans vendre le moindre chargement de tricycle. Des fois, c’est un seul chargement de tricycle que je parviens à vendre. Depuis que j’ai commencé, il y a de cela quatre mois, c’est seulement quatre chargements de tricycle que j’ai pu écouler », raconte-t-elle.

L’argent de son dur labeur lui permet de subvenir aux besoins de la famille et payer la scolarité de ses enfants.

Nuit et jour, les cours d’eau sont scrutés et raclés par les habitants pour satisfaire la demande des acheteurs, en saison sèche comme en saison pluvieuse, malgré la fermeture de certains sites.

Pour le Directeur provincial (DP) en charge de l’Environnement du Ganzourgou, le capitaine des Eaux et Forêts, Pascal Balima, des gens descendent dans les bas-fonds pour ramasser le sable avec des plats et des pelles sans oublier ceux qui extraient avec des machines.

Pour le directeur provincial de l’environnement du Ganzourgou, capitaine Pascal Balima, les mairies peuvent utiliser le Fonds minier de développement pour mener des activités de reboisement.

« Des propriétaires de tricycles en achètent et stockent aux abords des voies en attendant la saison des pluies pour spéculer », confie-t-il.

Dans certains villages de la commune de Zorgho, des chefs coutumiers ont interdit le ramassage de sable en saison des pluies afin de préserver les routes et les activités de maraîchage pratiquées aux alentours des berges.

Le chef du village de Wayalgui V2, dans la commune de Boudry, à 35 km de Zorgho, affirme que cela fait cinq ans que les bennes et les tricycles ont commencé à ramasser le sable dans son village.

« Il y a des privés qui viennent avec des machines pour extraire le sable et revendre aux grossistes », explique le chef du village.

Impacts négatifs sur l’environnement et l’homme

Le ramassage de sable accélère l’ensablement des cours d’eau, détruit des espèces végétales et provoque l’érosion mécanique des sols. Il perturbe les fonctions écologiques des écosystèmes naturels, entraîne la destruction du couvert végétal et l’intensification de l’érosion.

Les excavations ainsi créées accentuent le processus de l’érosion, de la dégradation des terres et provoquent des éboulements les glissements de terrain assez fréquents sur les sites d’exploitation.

Les galeries mettent à nue les racines des arbres qui finissent par tomber au gré des vents et de la pluie», assure le DP de l’environnement du Ganzourgou.

Le creusage de galeries aux abords des ravins détruit les arbres.

Il précise que l’ensablement des cours d’eau diminue la quantité de l’or bleu nécessaire au maraichage et aux animaux qui s’y abreuvent.

« Quand les ramasseurs de sable creusent des galeries sur les bords des basfonds, ils détruisent en même temps les arbres qui finissent par tomber et la végétation est impactée », souligne-t-il.

Selon le technicien supérieur de l’environnement, Kiswendsida David Kiendrébéogo, avec l’effet de ruissellement, la terre se dégrade et comme Zorgho est une zone sablonneuse, les bords des ravins deviennent larges et entraîne la chute des arbres aux alentours.

 Le technicien supérieur de l’environnement et planificateur, Kiswendsida David Kiendrebeogo : « nous menons des sensibilisations et des reboisements pour protéger les berges ».

« Il y a des ravins qui en deux ans de ramassage, s’élargissent de 50 mètres. C’est trop ! Depuis 2017 que je suis là, chaque année, il y a des ravins qui s’élargissent d’environ 10 m et dégradent les voies d’accès au site», explique M. Kiendrébéogo.

Ses propos se confirment avec le constat amer qui se dégage au niveau du canal de Nakombgo, au secteur 2 de Zorgho qui abrite des crocodiles sacrés.

A cause du ramassage de sable, les refuges de ces animaux sont menacés, les obligeant à creuser sous les troncs d’arbres pour s’abriter et quand ils se déplacent dans la journée pour chercher de l’ombre, mettent la vie des riverains en danger.

Ce cours d’eau était entouré de plus d’une centaine de goyaviers plantés par un ex agent des Eaux et Forêts et qui ont disparu à cause des galeries.

Le chargé de l’aménagement territorial de la mairie de Zorgho, Badnogo Naaba, Clément Kaboré, évoque que pendant la saison des pluies, les galeries se remplissent d’eau et provoquent des noyades.

 Selon le chargé de l’aménagement territorial de la mairie de Zorgho, Clément Kaboré, le ramassage de sable dégrade les voies d’accès à certains villages.

Il se souvient d’un cas malheureux en 2021 où des élèves de retour de l’école, ont perdu la vie en voulant traverser un cours d’eau pour rejoindre leur concession et le décès de deux femmes englouties sous le sable dans l’éboulement d’une galerie qu’elles ont creusée.

Pour M. Kaboré, le ramassage de sable de manière anarchique dégrade les routes et les voies d’accès rendant ainsi des villages inaccessibles en saison pluvieuse.

L’érosion et la dégradation des cours d’eau dues à l’extraction de sable coupent les voies d’accès à certains villages

Pour réduire les effets néfastes de cette activité sur l’environnement, des actions de sensibilisation et d’information sont menées à Zorgho au profit de la population.

La direction provinciale en charge de l’Environnement du Ganzourgou multiplie des émissions radios de sensibilisation pour la préservation des sols.

Kiswendsida David Kiendrébéogo demande à la mairie d’adopter des textes pour encadrer le ramassage de sable dans le Ganzourgou et d’appliquer des peines d’emprisonnement.

Les taxes agrégats prélevées

Deux agents de collecte de la taxe sur les agrégats pour le compte de la commune de Zorgho appuient ceux de l’environnement.

L’adjudant des Eaux et Forêts, Saïdou Kaboré, précise que les taxes sont perçues sur les chargements de sable selon les gabarits des bennes.

« Les semi-remorques payent 10 000 F CFA par voyage et les autres 5 000 F CFA dans les villes et les communes de Zorgho », indique-t-il.

Le chargé de l’aménagement territorial de la délégation spéciale communale de Zorgho, travaille avec le commissariat de police et la gendarmerie qui l’appuient lors de ses tournées de sensibilisation.

« Nous avons pris une délibération qui n’est pas encore effective où la taxe sera majorée à 15 000 F CFA si le sable est prélevée dans les zones interdites. A cela s’ajoute 10 000 F si les papiers du véhicule ne sont pas à jour », explique-t-il.

A l’en croire, les villages de Bogoré, Sapaga interdisent le ramassage en début de saison pluvieuse jusqu’au mois de décembre.

Dans le village de Wayalgui V2, le chef confie que les taxes sont payées à la commune de Boudry.

Selon lui, les véhicules de grande quantité payent 10 000 F CFA, les petites 5000 F CFA mais les tricycles des autochtones ne payent pas les taxes.

Alternative de récupération des sols

Le président de la délégation spéciale de Zorgho, Valentin Badolo note que le ramassage de sable dans le Ganzourgou n’est pas organisé.

Il souhaite la création de carrières de sable et la mise en place d’initiatives de récupération des sols.

M.Kiendrébéogo lui préconise le remplacement de certaines espèces détruites au niveau des berges.

« Nous n’avons pas de budget alloué au reboisement, mais chaque année, les mines d’or Hors Zone, basée dans la commune de Mogtédo et la Société minière de Sanbrado (SOMISA-SA) à Boudry, nous accompagnent avec des plants », ajoute-t-il.

Pour lui, une évaluation environnementale pour mesurer les effets de cette activité sur l’environnement dans chaque commune est souhaitée et la prise en compte de certaines actions dans leur Plan communal de développement (PCD).

Pistes de solutions

L’extraction de sable si elle est mal gérée, peut avoir des effets négatifs sur l’environnement dans les zones où les écosystèmes sont fragiles.

Des solutions novatrices doivent être trouvées pour remplacer le sable dans la construction de routes et de bâtiments pour lutter contre cette catastrophe environnementale.

Interdire à court terme le ramassage de sable, accompagner la mairie avec des plantations d’arbres, trouver des activités pour les autochtones afin qu’ils arrêtent l’extraction du sable, sont des propositions de M. Kiendrébéogo.

Quant au directeur provincial de l’environnement, les mairies doivent utiliser le Fonds minier de développement pour mener des activités de reboisement.

Haoua BABA

 

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