La Russie, ce pays si moderne et si ancré dans ses racines (Récit)
Ouagadougou, 27 déc. 2025(AIB)-La Fédération de Russie, ce vaste territoire multiethnique et multilingue, frappe le visiteur par la chaleur de ses habitants, la richesse de ses traditions, le culte des héros et des martyrs, son architecture et son respect du sacré. (Découverte).
Par Tilado Apollinaire ABGA
Dimanche 16 novembre 2025, il est 0h02 lorsque l’Airbus A330 se pose à Moscou. Deux Burkinabè foulent pour la première fois le pays de Lénine. Le climat est glacial et fait trembler les membres. Mon compatriote et moi ne savons pas encore que toute la ville est recouverte d’un manteau de neige et que nous ne nous séparerons plus de nos manteaux pendant notre séjour hivernal. Il se dit que ce mois de novembre est le plus chaud jamais enregistré depuis 75 ans à Moscou, car d’habitude les températures tournent autour de -20 °C, au lieu du -1 °C que nous subissons et qui nous fait tant greloter. Mais à la sortie de l’aéroport, le sourire et les accolades de nos collègues de TASS nous mettent du baume au cœur. C’est justement cette amabilité et cette hospitalité du peuple russe, plus d’autres réalités, que l’agence officielle russe de presse souhaite montrer à vingt journalistes de dix pays d’Afrique de l’Ouest, du Centre et du Nord.
Ce séjour intitulé « TASS-Afrique : le chemin de l’amitié », a permis à ces citoyens venus de loin de découvrir un peuple courtois, acharné au travail, imprégné d’un profond respect du sacré et du religieux, avec un amour pour les sciences, les arts et les lettres, sans oublier le culte des héros et des valeurs patriotiques transmis fidèlement de générations en générations.

Ferveur religieuse
Le croyant est comme transporté à chaque fois qu’il pénètre dans ces immenses cathédrales orthodoxes disséminées à travers la Fédération de Russie. Que ce soit à la Cathédrale Saint-Isaac de Saint-Pétersbourg ou à la Cathédrale de la Dormition au Kremlin de Moscou, les fresques murales émerveillent. Elles relatent plusieurs passages de la Sainte Bible. Les statues grandeur nature perchés dans les hauteurs ou accessibles, semblent murmurer des mots malgré le silence assourdissant.
En Russie, les cathédrales ne sont pas de simples lieux touristiques pour des citoyens en perte de leurs racines chrétiennes, mais des espaces pour se recueillir et élever ses prières vers le ciel. Elles servent également de points de repère pour apprécier le génie architectural d’un peuple qui a fait appel parfois à des bâtisseurs talentueux venus d’ailleurs pour édifier des lieux de culte imposants qui résistent au temps.
La Russie n’est pas uniquement habitée par des adeptes du christianisme orthodoxes. L’Islam, présent depuis mille ans, est la deuxième religion du pays et la première dans plusieurs régions, comme la République de Tatarstan. Alors qu’ailleurs des tensions existent parfois entre Islam et Christianisme, en Russie les pratiquants de ces religions vivent en parfaite harmonie, mettant en avant leur citoyenneté russe.

Un peuple hospitalier
À Kazan, capitale du Tatarstan, à 800 km de Moscou, cette unité dans la diversité est palpable. Bien que l’Islam influence la conduite des affaires jusqu’ au plus haut sommet, juifs, chrétiens, musulmans et autres minorités partagent leur quotidien dans la paix et la cohésion. L’imposante mosquée de Qolsharif, le deuxième plus grand édifice religieux d’Europe, est visitée chaque jour par des milliers de citoyens, toutes religions confondues.
Cette symbiose des nombreuses communautés qui peuplent la Russie rejaillit sur les citoyens étrangers qui ont fait de la Fédération leur deuxième patrie.
Les communautés africaines, syriennes, arméniennes, géorgiennes, libanaises, occidentales et autres s’épanouissent dans de nombreux domaines d’activités.
L’Université de l’amitié des peuples Patrice-Lumumba de Moscou (RUDN) est l’un des symboles de cette Russie multiculturelle qui ouvre ses bras au monde entier. Depuis 65 ans, ce temple du savoir très sélectif, accueille des milliers d’étudiants originaires de 160 pays.
« L’université RUDN est un monde en miniature, sans conflits et sans guerres », confie l’enseignante en journalisme Lina Andreytchenko. La jeune dame, née d’un père syriaque et d’une mère russe alors étudiants à Patrice-Lumumba, incarne parfaitement cette Russie multiculturelle.

Place à l’éducation de qualité
À l’Université de l’amitié des peuples Patrice-Lumumba de Moscou, cinq facultés y sont ouvertes (sciences, économie, philologie, intelligence artificielle, sciences sociales et humanitaires), ainsi qu’une académie d’ingénierie et une école supérieure de management. On y compte plus de 200 laboratoires, 11 instituts de recherche, 40 centres en sciences de l’éducation et neuf instituts spécialisés (médecine, droit, agronomie, langues étrangères, écologie, pharmacie et biotechnologie, langue russe, etc.).
Le constat de cette ouverture du peuple russe, soucieux de partager ses savoirs et ses savoir-faire, est également palpable à l’Université d’État de Saint-Pétersbourg et à l’Université fédérale de Kazan.
Le Camerounais Jefferson Mengue, bénéficiaire d’une bourse du gouvernement russe, séjourne depuis trois ans à Kazan pour étudier la chimie, la physique et la mécanique des matériaux. Il apprécie particulièrement l’alchimie qui règne entre les étudiants russes et leurs camarades du Congo, de la Zambie, du Niger, du Nigeria, du Mali et d’Afrique du Nord.
« J’ai découvert et aimé la Russie. Le système éducatif est de grande qualité. À tous les étudiants africains qui souhaiteraient venir étudier en Russie, je leur dirai de ne pas écouter les préjugés et les stéréotypes. La Russie n’est pas le paradis, mais c’est un excellent pays », affirme-t-il.
Selon lui, le coût de la vie est moins élevé que dans de nombreux pays occidentaux et le pays offre des possibilités de travail.
« J’ai été livreur lors de ma première année. Actuellement, je donne des cours de langue russe aux étudiants africains et des cours de français et d’anglais aux Russes. Avec un esprit d’innovation, on peut gagner sa vie en Russie. Ce qui est difficile, c’est si la personne n’a pas la motivation d’étudier », explique Jefferson Mengue.
Rodrigue Kakpo porte cette motivation depuis qu’il a quitté son Togo natal il y a 20 ans pour des études au pays du Grand Ours. Aujourd’hui, il est correspondant-traducteur à la rédaction francophone de TASS à Moscou.
« Le Monsieur Afrique » de l’agence de presse russe confirme les propos de Mengue, selon lesquels les compétences et le travail sont valorisés en Russie.
L’effervescence religieuse, l’hospitalité et la qualité de l’éducation ne sont pas les seules qualités du pays. La beauté et la diversité du patrimoine architectural et artistique, séduisent.

Riche patrimoine architectural, artistique et culturel
La ville de Kazan, capitale du Tatarstan, illustre à merveille le métissage architectural entre les cultures chrétienne orthodoxe et musulmane. 11 à 12 heures de trajet en train séparent Moscou de cette ville où les coupoles des églises orthodoxes cohabitent harmonieusement avec les minarets des mosquées.
Les motifs orientaux sont omniprésents sur les façades des bâtiments et monuments.
Parmi les sites les plus emblématiques, figurent le Kremlin de Kazan, la mosquée Qol Sharif et la cathédrale orthodoxe de l’Annonciation.
Le théâtre Kamal, imposant et situé au bord du lac Kaban, fascine par ses façades en verre, ses nombreuses salles multifonctionnelles et ses décorations reflétant la culture tatare.
« Au théâtre de Kazan, on rit de trois manières : premièrement en tatare, deuxièmement en russe (après l’interprétation), et troisièmement, les locuteurs tartares rient du retard du rire des locuteurs russes », avance l’un des responsables du théâtre, dans un fou rire.
La vieille ville tatare, longeant le lac Kaban, conserve une histoire millénaire gravée dans ses maisons traditionnelles en bois. La narration de notre guide, un soir dans le froid glacial, nous a fait voyagé dans le temps.
L’architecture de Kazan contraste avec celle de Saint-Pétersbourg, ancienne capitale de la Russie, qui évoque une ville européenne avec ses larges avenues, ses canaux, ses ponts et ses châteaux longeant le fleuve Neva. Les journalistes africains ont particulièrement adoré la promenade sur le quai des Sphynx.
Saint-Pétersbourg est également célèbre pour son centre d’excellence dans le domaine du design, des arts décoratifs et appliqués. Il s’agit de l’Académie Stieglitz, ou Académie d’État d’art et de design A. L. Stieglitz.
Son bâtiment en lui-même est une œuvre d’art, et les étudiants y conçoivent des créations esthétiques et fonctionnelles, allant des céramiques et porcelaines aux verreries, textiles artistiques, mobiliers, mosaïques, vitraux et sculptures décoratives.
L’académie excelle aussi dans la formation en design graphique, design de produits, design d’intérieur, scénographie et design textile et de mode, préparant des créateurs capables de répondre aux besoins de la société moderne dans des secteurs variés, tels que la santé, l’aéronautique, l’automobile ou la défense.
La restauration et la conservation du patrimoine constituent un autre axe majeur de l’académie. Elle intervient dans la restauration de peintures, fresques, icônes, mobiliers anciens et objets décoratifs, ainsi que sur des bâtiments historiques de Saint-Pétersbourg et d’autres villes russes.
La délégation a eu l’honneur de participer au vote du public d’un concours pour désigner le meilleur dessinateur de l’oiseau « dodo ».
L’animal a disparu de l’île Maurice au XVIIe siècle, après l’arrivée des Occidentaux, très friands de sa tendre chair.
Parmi les grandes attractions de Saint-Pétersbourg, le musée de l’Ermitage se distingue par son immense collection.
Il faudrait une décennie pour parcourir les trois millions d’objets d’art qui y sont conservés, à raison d’une minute passée devant chaque chef-d’œuvre, nous lance le guide du jour.

Honneur aux héros et aux martyrs
Fondé au XVIIIe siècle par l’impératrice Catherine II, le musée, situé le long de la Neva, est dominé par le Palais d’Hiver et complété par le Petit Ermitage, le Vieil Ermitage, le Nouvel Ermitage et le théâtre de l’Ermitage.
Ses collections de peinture comprennent des chefs-d’œuvre de la Renaissance et de l’art européen classique. La peinture russe, des icônes anciennes aux œuvres modernes, y occupe également une place majeure.
Si la Fédération de Russie est un pays fort, riche et développé, c’est parce qu’elle a bâti sa puissance dans le sang de ses martyrs, les sacrifices de ses héros et le génie de ses intellectuels.
Dans ce pays, on rencontre un nombre incalculable de statues, de bustes et de monuments qui rendent gloire à ces célébrités et à ces anonymes en signe de reconnaissance.
À Moscou, il existe un lieu qui concentre à lui seul l’essentiel de ces hommages. Il s’agit du Musée de la Grande Guerre patriotique (Seconde Guerre mondiale).
Le centre expose de nombreux matériels militaires, des documents, des photographies d’archives et des films consacrés à cette tragédie.
Dans la salle du Souvenir et du Chagrin, dans une obscurité tamisée, tombent des milliers de chaînettes du plafond, symbolisant les larmes versées en mémoire des plus de 26 millions de Soviétiques.
Sur les murs du Hall de la Gloire sont inscrits les noms des héros qui se sont battus jusqu’au sacrifice suprême pour la Nation.
L’attractivité majeure est cette exposition surréaliste en 3D qui fait voyager le visiteur dans l’histoire.
L’invasion surprise des Nazis en juin 1941, marquée par des destructions immenses et des hécatombes dans une Union soviétique non préparée et mal équipée, ainsi que la remobilisation des troupes et de toutes les couches de la société à partir de décembre, sont saisissantes.
L’attroupement autour des centres d’enrôlement pour défendre la patrie et l’implication des élèves, des femmes, des enfants et des vieillards dans la construction des tranchées ont été des facteurs déterminants.
Cette conjugaison des efforts a permis à ce peuple de bouter l’ennemi hors de leur territoire et de le poursuivre jusqu’à Berlin pour lui faire rendre gorge.
Le parallèle a été vite fait par mon compatriote et moi entre ces courageux Soviétiques et les vaillantes FDS et VDP qui luttent au quotidien au Burkina Faso pour triompher des terroristes armés et téléguidés par des puissances occultes.
Au Musée de la Grande Guerre patriotique, des milliers d’élèves accompagnés de leurs enseignants viennent chaque jour des quatre coins du pays pour apprendre de cette douloureuse histoire mais surtout pour se nourrir de valeurs de courage, de patriotisme et de sacrifices pour la mère patrie.
Visiter Moscou sans mettre pied au Kremlin, ce lieu de puissance, serait rester sur sa faim. Le Kremlin n’abrite pas uniquement les bureaux du Président Vladimir Poutine.
L’espace d’environ 27,5 hectares au cœur de la capitale comprend des murailles, des tours, des cathédrales, des palais, des jardins et surtout le clocher d’Ivan le Grand et la fameuse Place Rouge.
À côté de la vieille ville de Moscou à l’architecture traditionnelle russe et soviétique, se dresse le futuriste quartier de Moscow City et ses gratte-ciels ultra modernes.
Ces tours de verre et d’acier abritent des bureaux, des hôtels, des appartements de luxe, des centres commerciaux et des espaces de loisirs.

Le contraste architectural de la ville de Moscou illustre parfaitement une Russie solidement ancrée dans ses racines tout en gardant les yeux rivés vers le futur.
Au terme de ce séjour, la Russie se révèle bien loin des clichés et des raccourcis. Elle est une nation multiethnique, fière de son histoire, attachée à ses valeurs spirituelles et patriotiques, mais résolument tournée vers le progrès scientifique, artistique et technologique.
De Moscou à Kazan, de Saint-Pétersbourg aux grandes universités, nous avons découvert un peuple travailleur, hospitalier et profondément conscient du prix à payer pour préserver sa souveraineté et sa dignité.
La Fédération de Russie donne à voir un modèle singulier, forgé par l’épreuve et nourri par la transmission. Une Russie enracinée, mais ouverte ; puissante, mais humaine ; moderne, mais sans renier son âme.
Agence d’information du Burkina
ATA/bbp/ck



