Auto emploi des jeunes à Bobo-Dioulasso

Une double vie d’étudiants-entrepreneurs

Plusieurs jeunes étudiants de la ville de Bobo-Dioulasso refusent de rester les bras croisés et de se contenter des études. Ainsi, ils ont décidé d’entreprendre pour subvenir à certains de leurs besoins. Aux profils passionnants, ces étudiants sont soit commerçants, aviculteurs ou encore prestataires de services. Tous ont choisi de se lancer dans l’aventure entrepreneuriale malgré les difficultés et cela semble porter ses fruits. Sidwaya est allé à leur rencontre dans la première semaine du mois de janvier 2022.

 

« Je suis en première année de Sciences économiques et de gestion à l’Université Nazi Boni (UNB), mais bientôt mon BAC aura trois ans. Dans ce genre de circonstances, il faut se poser des questions et prévoir d’autres issues pour l’avenir ». Ces propos sont de l’étudiant Ousmane Djigemdé. Le chevauchement des années à l’université a été suscité en lui, le goût de l’entreprenariat, parallèlement à ses études. Installé au secteur 21 de Bobo-Dioulasso, Ousmane Djigemdé a choisi de se lancer dans le graphisme et la vente de pièces détachées d’engins à deux et quatre roues, en plus d’un service de nettoyage. Rencontré en cette matinée du jeudi 6 janvier 2022, il explique qu’au regard des difficultés du campus et assoiffé de la liberté financière, il n’a pas perdu le temps pour créer son entreprise « Ousmane service international ». Pour lui, cette entreprise à but lucratif a aussi un caractère social.  « J’ai créé cette entreprise pour rendre service aux populations et me faire du même coup des revenus », affirme-t-il. Le jeune étudiant dit ne pas être à sa première aventure dans le commerce. « J’aime le commerce de nature. A mon secondaire, je vendais de façon ambulante divers articles dans les lieux publics », fait-il savoir.

Ousmane Djigemdé n’est pas le seule dans cette situation dans la ville de Bobo-Dioulasso. En effet, de nos jours, le secteur entreprenariat accueille de plus en plus de jeunes composés en partie d’étudiants qui allient, avec des fortunes diverses, leurs études et des activités génératrices de revenu. C’est le cas de Aude Tawoulé Liliane Goumbané. Etudiante en Sciences juridiques et politiques à l’UNB, Mlle Goumbané, s’est lancée dans la pâtisserie depuis son jeune âge. L’étudiante avoue ne pas avoir suivi de formation professionnelle en pâtisserie avant de s’y lancer « Je me suis auto-formée notamment en suivant des vidéos sur internet pour faire des gâteaux à la maison », souligne-t-elle. L’idée de création de son entreprise, « Liliane Délice », lui est venue de la « pression » de ses amies qui lui ont demandé de commercialiser et de mettre en pratique sa passion pour la fabrication de gâteaux divers. Après réflexion, elle a donc créé « Liliane Délice », le 27 mai 2019. La jeune entrepreneuse dit avoir une gamme variée de gâteaux à son actif. « Je fabrique divers types de gâteaux comme les gâteaux d’anniversaires, de mariage, de number cake, de mini-cake, des mini-pizza, des biscuits salés, du moka et des langues de chat », soutient-elle.

 

Un duo d’étudiants-entrepreneurs

Aboubacar Samaké est également étudiant en deuxième année de Sciences biologiques de la même université. Entrepreneur, il évolue dans le domaine de l’aviculture depuis 2019. Il explique qu’après son BAC en 2018, il a remarqué que la filière pour laquelle il a opté accusait un grand retard dans le déroulement des cours. Avec le retard et le nombre pléthorique des étudiants, M. Samaké n’a pas hésité à être « son propre patron », même étant à l’université. Le jeune entrepreneur est aujourd’hui dispose d’espèces variées d’animaux parce qu’il élève des poulets, des lapins, des oies, des pintades …  « Très bientôt, je compte faire l’élevage des cailles et des dindons », ajoute-t-il.

Comme Aboubacar Samaké, Saïd Fadel Ousmane Traoré et Abdoul Yasser Siri sont respectivement deux étudiants en deuxième et première année de Sciences biologiques et en élevage. Ce duo d’étudiants s’est lancé dans la vente d’un « pain spécial », un plat qu’il concocte à base de pain accompagné de salade, d’œuf, de brochettes et de saucisson. Selon Saïd Traoré, l’idée de leur business est née d’un constat : la difficulté à avoir à manger à partir d’une certaine heure de la nuit dans le quartier Belle ville de Bobo-Dioulasso. D’où la création de l’entreprise « La baguette », le 5 décembre 2020. « A Belle ville au secteur 29, à partir de 22 h, hors-mis les fast-foods, trouver de la nourriture relève d’un parcours du combattant », soutient-il. Les promoteurs de « La baguette » offre donc, à partir de 20 h, un menu varié de nourriture. « Chez nous, on peut trouver du pain spécial avec des brochettes, des saucissons, de la vinaigrette, des œufs, de la salade et des crudités ». En mettant en place ce mini-restaurant, les deux étudiants disent vouloir répondre aux préoccupations des populations du secteur tout en se faisant des sous.

 

Un gagne-pain

Ces entreprises créées par des étudiants sont devenues aujourd’hui leur gagne-pain. Selon Liliane Goumbané, le domaine de la pâtisserie est rentable et lui permet d’être moins dépendante de ses parents. « Je peux gagner au moins 15 000 F CFA comme intérêt par mois et cela dépend des marchés », appuie-t-elle. L’étudiant, graphiste et vendeur de pièces détachées, Ousmane Djigemdé, s’en tire aussi à bon compte. « Je peux me faire une recette d’au moins 25 000 F CFA par semaine rien que dans la conception d’affiches publicitaires, sans compter les marges dans le domaine du commerce », laisse-t-il entendre. A entendre Ousmane Djigemdé, les activités qu’il mène lui permettent d’être indépendant financièrement, de faire la connaissance de nombreuses personnes ressources et d’avoir de l’expérience dans le monde des affaires. Le jeune entrepreneur dit être conscient que sa réussite financière ne dépend que de lui. Il indique ne pas compter sur le gouvernement, ni sur ses parents pour le prendre en charge. Car grâce à ce business, il arrive à subvenir à ses besoins.

A l’image des autres étudiants, Aboubacar Samaké pense que l’aviculture nourrit son homme. « Depuis que je mène cette activité, je suis indépendant financièrement et je ne demande pas grand-chose à la famille », confie-t-il. Et pour cause, il ne manque pratiquement pas d’occasion pour se faire des sous. « Actuellement j’ai des oies et l’unité sur le marché peut avoisiner 70 000 F à 80 000 F CFA », lance-t-il. A entendre M. Samaké, les périodes de fêtes sont propices pour les affaires. Lors des fêtes, il estime pouvoir gagner entre 100 000 et 150 000 F CFA. En parlant de retour sur investissement, les deux responsables de l’entreprise « La baquette » ne sont pas en marge et avouent tirer leur épingle du jeu. Ils confessent faire de bonnes affaires dans leur activité quotidienne. « Nous vendons au moins 75 miches de pains par jour entre 20 h et 4 h du matin. Cela peut nous donner un chiffre d’affaires journalier moyen de 40 000 F CFA », fait savoir Saïd Traoré.  

 

Suivre deux lièvres à la fois

Selon la pâtissière Liliane, il est souvent difficile de faire la part des choses entre les études et les affaires. « Je suis obligée de laisser certains cours pour pouvoir répondre aux commandes. Parfois, je me vois dans l’obligation de refuser certaines commandes pour pouvoir me concentrer sur les études », raconte-t-elle. Contrairement à Liliane, Djigemdé Ousmane dit arriver à faire conjuguer ses vies académique et professionnelle. « La plupart du temps, nous ne sommes pas programmés à l’université. Donc notre emploi de temps me permet de m’occuper de mes affaires », fait-il savoir. En cas de programmation de cours ou de devoirs, M. Djigemdé dit avoir sa stratégie pour assurer la continuité de ses activités. « Généralement, je fais mes révisions et je confie les affaires que j’ai sous la main à des collaborateurs », révèle-t-il. L’aviculteur Aboubacar Samaké quant à lui a décidé de « raccrocher » du côté des études supérieures en deuxième année de Sciences biologiques pour se consacrer entièrement à son business. « J’ai arrêté les études en 2020 car il m’était difficile de suivre deux lièvres à la fois. J’ai donc décidé de me focaliser sur l’entreprenariat qui me rapporte beaucoup », atteste-t-il. Même destin pour Saïd Traoré, l’un des promoteurs de l’entreprise « La baquette » qui a fini par trouver sa propre voix. « J’ai dû prendre une décision : raccrocher les études et me consacrer entièrement à cette activité qui est bien porteuse », informe-t-il. Cependant, Saïd rappelle que son collaborateur Siri Abdoul Yasser poursuit toujours ses études en élevage.

 

Manque de moyens financiers

Pour les étudiants-entrepreneurs, les difficultés ne manquent pas dans leurs activités. Selon la responsable de « Liliane Délice », le problème de local se pose ainsi que le manque de temps pour s’adonner pleinement à toutes les activités. Le promoteur de « Ousmane service international » est aussi souvent contraint dans la gestion de son temps. « La navette entre l’université et le business m’empêche de consacrer la totalité de mon temps à mes affaires », déplore-t-il. L’aviculteur Aboubacar Samaké avoue ne pas maitriser les techniques de traitement des épizooties, ce qui fait qu’il enregistre de nombreuses pertes liées à la mort de la volaille. Selon Aboubacar Samaké, le problème de moyens financiers pour avoir un local et agrandir la ferme reste un défi. Saïd et Yasser, quant à eux, peinent à réunir les moyens pour s’offrir également un local bien structuré.

Malgré les revenus que peuvent procurer les activités extra-universitaires, Liliane Goumbané invite ses camarades à ne pas abandonner les études. Ousmane Djigemdé quant à lui exhorte les étudiants à être conscients du danger du système éducatif, à sortir de leurs zones de confort et à essayer œuvrer à se rapprocher de leurs objectifs. Pour ceux qui sont sceptiques, Aboubacar Samaké, les appelle à tenter leur chance et à ne pas se décourager. Saïd Traoré et Yasser Siri recommandent aux étudiants désirant entreprendre de mettre en avant leur imagination et de poursuivre leurs rêves.

Sosthène SOMBIE

(Stagiaire)

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