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Commune de Toussiana

Dialogue de sourds au tour d’un lotissement

Un projet de lotissement de la commune de Toussiana, commencé en 2010 et qui est presqu’à terme, oppose les autorités communales à une partie de la population. Si certains habitants demandent l’annulation du lotissement, la commune, elle n’y voit pas de raison et compte poursuivre le processus jusqu’à l’attribution. Sidwaya a rencontré, en début janvier 2022, les protagonistes de cette crise foncière engagés dans un dialogue de sourds.

 

La commune de Toussiana est située à une soixantaine de kilomètres de Bobo-Dioulasso dans la province du Houet. Cette commune, alors dirigée par Moussa Zan Ouattara, a entrepris en 2010 un lotissement et après moult péripéties, les attributions devaient se faire cette année, sous la conduite de l’actuel maire, Siaka Ouattara. Autorisé sur 100 hectares, le lotissement prend en compte les trois quartiers de Toussiana que sont Yorokefesso, Toussiamba/mission/gare et Nianaba. Ces zones sont déjà bornées, et les parcelles n’attendent que les noms de leurs attributaires. Mais le lotissement est remis en cause par une partie de la population qui demande son annulation pure et simple. Les contestataires reprochent aux autorités communales de ne les avoir pas suffisamment associés au processus du lotissement, de n’avoir pas réglé les différends causés par les lotissements antérieurs et d’avoir élargi la superficie aménagée de 100 à 197 hectares. Pour eux, le lotissement a été mené sans autorisation et sans consentement des propriétaires terriens. En outre, les plaignants demandent de supprimer des réserves, d’éviter que les rues ne tombent sur des concessions et de jumeler deux parcelles (350 à 400 m²) pour en faire une. Il est également reproché aux autorités communales de faire des recensements irréguliers et des recouvrements illégaux de fonds. Les contestataires réunis au sein d’un collectif dénommé « collectif des plaignants du lotissement litigieux de la commune de Toussiana » ont d’ailleurs saisi certaines institutions comme l’Autorité supérieure du contrôle de l’Etat et de lutte contre la corruption (ASCE-LC) et la justice pour trouver une solution à leurs problèmes. L’ASCE-LC qui s’est déjà déporté dans la commune où il a fouiné dans le lotissement, a produit un rapport avec à la clé, 12 recommandations qu’elle demande aux autorités communales de mettre en œuvre. Une de ces recommandations, selon le collectif, porte sur l’annulation du lotissement dans les zones situées hors du périmètre de la superficie autorisée.

 

Les propriétaires terriens non associés ?

 

Boureima Coulibaly est propriétaire terrien à Nianaba, un des quartiers concernés par le lotissement. Il affirme n’avoir jamais été informé du bornage de leurs terres. « Nous avons constaté que des bornes étaient en train d’être plantées dans nos champs alors que nous n’avons pas été informés. Nous avons refusé le lotissement de nos terres parce qu’en 1995, nous avions été bernés. Nos terres et nos maisons ont été prises sans que nous ne soyons dédommagés. Nous n’allons pas céder nos terres. Nous ne voulons pas de ce lotissement », fulmine Boureima Coulibaly. Habitant du quartier Toussiamba, Soungalo Ouattara, abonde dans le même sens. Pour lui, il fallait régler les passifs des lotissements antérieurs avant d’entamer celui de 2010 et associer les propriétaires terriens au processus. « Les propriétaires terriens contestent le lotissement parce qu’ils n’ont pas été concertés. On a délibéré sur la validation du lotissement de 2010 sans le consentement des propriétaires terriens. Nous avons formulé des plaintes pour annuler le lotissement au tribunal administratif. Nous n’avons pas été associés aux différents processus et nous disons non à ce lotissement », argue-t-il. Ces différents arguments ont été confortés par Franck Amara Ouattara, un habitant de la localité pour qui, les lotissements de 2010 ont été entrepris sans le consentement des propriétaires terriens. Selon lui, ces derniers n’ont pas été consultés pour valider l’avant-projet de lotissement et ont alors contesté les commissions ad ’hoc mises en place. « Le maire Siaka Ouattara (actuel maire, ndlr) veut forcer les propriétaires terriens pour faire le dispatching des terres. Nous voulons une transparence dans le lotissement et qu’il se déroule dans un cadre légal. Nous ne sommes pas prêts à céder nos terres », souligne Franck Ouattara. Le chef de village de Yorokefesso, Nessa Michel Traoré, quartier également concerné par le lotissement, s’aligne sur la décision des contestataires. « Un jour, j’ai reçu des gens qui sont venus me dire que le maire Siaka Ouattara a planté des bornes dans leur champ alors que les gens refusent de donner leurs terres », rappelle Nessa Michel Traoré.

 

Le démenti formel de l’ex-maire

 

Mais l’ancien maire de Toussiana (2006-2014), Moussa Zan Ouattara, qui a fait le lotissement, bat en brèche toutes ces accusations portées contre lui et son conseil municipal. A suivre ses explications, toutes les démarches ont été faites, tant auprès de la chefferie coutumière et des propriétaires terriens, que des services techniques de l’administration pour le lotissement de Toussiana. Plusieurs assemblées générales et des campagnes de sensibilisation ont été faites à Toussiana à cet effet, foi de l’ex-édile. A l’entendre, documents à l’appui, toutes les personnes et services impliqués dans le processus ont donné leurs accords pour le lotissement. Après cette étape, une commission a été mise en place pour accompagner la commune, selon l’ancien maire. C’est cette commission, selon lui, qui a fait le recensement des populations et a envoyé la liste des personnes recensées à la commune qui a travaillé sur la base de cette liste. « Nous avons remis des tickets aux concessions et familles. Sur les tickets, il est précisé le nombre de parcelles que chaque concession ou famille doivent avoir. Ce sont les concessions ou familles qui nous ont envoyé les noms des membres de leurs familles ou concession que nous avons positionnés sur la liste des attributions », explique l’ancien maire. Il précise que la commune a même tenu une audience publique qui a permis d’ajouter deux ou trois parcelles aux familles des anciens quartiers « pour ne pas éparpiller les membres ». De même, signifie-t-il, ceux dont les bâtiments sont dans l’emprise des rues ont eu des parcelles supplémentaires. Moussa Zan Ouattara dit avoir jugé irréalisables les recommandations de certaines populations qui exigeaient qu’il n’y ait pas de réserves et que les bâtiments ne soient pas pris par les rues. M. Ouattara trouve également « illogiques » les revendications de certains qui demandent de fusionner les parcelles, en faisant deux parcelles en une, alors que la commune est dans la logique de satisfaire un plus grand nombre de demandeurs. « Nous étions à cette étape quand l’insurrection est intervenue et les lotissements, suspendus. Par la suite, nous avons reçu des autorités compétentes des autorisations de poursuivre le lotissement », relève l’ancien maire, aujourd’hui conseiller municipal de Toussiana.

 

1 376 parcelles dégagées

 

Suite à cette autorisation, les nouvelles autorités communales ont mis en place une commission ad ‘hoc afin de recenser tous ceux qui ont des difficultés ou des réclamations pour que la commune y trouve des solutions afin qu’elle puisse procéder à des attributions. Pour le maire Moussa Zan Ouattara, la zone aménagée comprend six sections (117 lots) dans lesquelles 1 376 parcelles ont été dégagées. De ses explications, il ressort qu’une première partie de ces parcelles a été répartie entre les résidents, propriétaires terriens et demandeurs. Une deuxième partie revient aux populations des zones habitées ou litigieuses et la dernière partie est destinée à des « régularisations » et à « gérer » les cas des lotissements précédents. L’ancien bourgmestre de Toussiana dit ne rien se reprocher en ajoutant que les fonds recouvrés dans le cadre du lotissement sont reversés au Trésor public. Il regrette que « les gens prennent en otage le lotissement de Toussiana pour des objectifs politiques et des intérêts personnels ».

L’actuel maire de Toussiana, Siaka Ouattara, confirme également que toutes les procédures ont été suivies et que la population a été associée à toutes les étapes du processus de lotissement de Toussiana. La commune, ajoute-t-il, a toutes les autorisations nécessaires pour conduire le lotissement. Il relève d’ailleurs que le processus a évolué normalement jusqu’à l’étape des attributions. C’est à partir de cette étape, soutient-il, qu’il y a eu des plaintes car certains soutiennent n’avoir pas été satisfaits. L’insurrection est intervenue et tout est arrêté. A la reprise avec les autorisations en main, le maire a affirmé avoir informé les plaignants qui sont revenus avec de nouvelles conditions à savoir : fusionner deux parcelles en une, dévier les rues pour qu’elles ne tombent pas sur les maisons et morceler les réserves en parcelles. « Nous leur avons fait savoir que le lotissement et le plan définitif sont validés et il est impossible de refaire les travaux. Ils ont saisi le haut-commissariat du Houet et l’ASCE-LC qui nous ont suggéré de poursuivre les travaux tout en prenant en compte certaines recommandations », a dit le nouveau maire.

 

Un projet de 3 milliards de FCFA plie bagages

 

Sur les accusations d’avoir dépassé la limite de la superficie aménagée en passant de 100 à 197 hectares, le maire Siaka Ouattara dit avoir fait appel aux techniciens qui, après avoir soustrait les terrains qui ont des titres de propriété comme les écoles ou les Eglises, se retrouve finalement avec 96,4 hectares. Le maire visiblement remonté contre les plaignants dit ne pas comprendre leurs attitudes. « Je ne comprends pas. Nous sommes en train de mettre en route les recommandations de l’ASCE-LC et on nous attaque aussi. Ou bien ils veulent que le lotissement échoue pour qu’ils puissent se partager les parcelles parce que la zone est déjà bornée ? », s’interroge-t-il. Documents à l’appui, le Siaka Ouattara souligne que certaines personnes « et pas des moindres » ont « positionnés » pour eux-mêmes 3 à 6 chacun. Selon lui, les propriétaires des vergers ont même été dédommagés à raisons de 4 parcelles par hectare alors qu’il est prévu 3 parcelles par hectare. Il rassure que la commission ad ‘hoc mise en place pour recenser les plaintes, devrait rendre les résultats de ses travaux et les attributions pourraient normalement commencer en début de cette semaine (semaine du 24 janvier 2022, ndlr). Il déplore ce brouhaha autour du lotissement de Toussiana qui a fait fuir certains projets comme celui de la construction d’un centre de recyclage des automobiles. Ce projet dont les études avaient été finalisées, indique-t-il, avait un coût de 3 milliards F CFA. Un habitant de Toussiana qui a requis l’anonymat a souhaité que les différents belligérants communiquent davantage autour du lotissement afin de fumer le calumet de la paix dans l’intérêt du développement socio-économique de cette ville aux mille manguiers.

Adaman DRABO

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