Afrique du Sud: Les jeunes, la grande inconnue de l’équation électorale

 

                              Par Abdelghani AOUIFIA.

 

Johannesburg, 22/04/2019 (MAP)- Les Sud-Africains se préparent à se rendre le 8 mai prochain aux urnes pour des élections générales qui promettent d’être les plus contestées dans le pays depuis la fin du régime de l’apartheid en 1994.

Si la position du Congrès national africain (ANC/au pouvoir depuis 1994) en tant que première force politique du pays n’est pas remise en cause pour le moment, ce sixième scrutin multiracial dans le pays de l’icône Nelson Mandela devra marquer l’émergence d’une nouvelle carte politique. Une carte qui devra baliser, d’après les analystes, le chemin d’un changement dont les contours commencent déjà à se dessiner.

Dans une conjoncture d’incertitude généralisée, les jeunes sont appelés à jouer un rôle déterminant lors des élections, eu égard à l’importance de la masse qu’ils représentent et les regards qu’ils portent sur l’avenir du pays.

Selon les chiffres de la commission électorale, les jeunes représentent 49 pc de l’électorat, soit 17,7 millions de votants sur un total de 36 millions. Un chiffre qui montre toute l’importance de ces jeunes dans l’émergence d’une nouvelle élite politique capable de remettre le pays sur les rails après de longues années de mauvaise gouvernance.

Cependant, les chiffres de la commission montrent une large désaffection dans les rangs de cette catégorie. Sur les 17,7 millions de jeunes électeurs seulement 6 millions sont inscrits pour le prochain scrutin.

«Il s’agit de chiffres qui choquent», indique Glen Mashinini, président de la commission électorale, soulignant que les jeunes, qui sont les plus affectés par les problèmes socio-économiques, notamment le chômage et les inégalités endémiques, doivent s’engager dans le processus politique pour conduire le changement dans le pays.

Les analystes estiment que les sentiments de colère et de frustration parmi les jeunes se sont exacerbés durant la dernière décennies à la lumière de l’échec de l’ANC d’honorer ses promesses d’un avenir meilleur pour un pays où les jeunes représentent 35 pc d’une population d’environ 58 millions d’âmes.

A l’approche du scrutin du 8 mai, ces sentiments de colère parmi les jeunes nés-libres ont pris la forme de protestations dans les zones défavorisées, notamment les townships, et sur les médias sociaux.

Contrairement aux anciennes générations qui votent traditionnellement pour l’ANC en tant que mouvement de libération, les jeunes sont libérés d’une telle loyauté, explique Zohra Dawood, directrice du centre pour l’unité dans la diversité, soulignant que les jeunes ne semblent pas trouver les réponses à leurs attentes auprès des 48 partis politiques en lice pour les prochaines élections.

Confrontés à l’apathie des jeunes, ces partis semblent se résigner à cette réalité. Cette situation s’illustre par le peu d’importance accordée aux jeunes dans les programmes électoraux à l’exception de certains partis dont l’Economic Freedom Fighters (EFF, opposition radicale), qui surfe sur des sujets jugés populistes comme l’emploi, la pauvreté et la redistribution des terres de la minorité blanche.

L’attitude des jeunes et des partis politiques n’est pas de bons augures pour le pays, indique la chercheuse, relevant que l’exclusion sociale et économique des jeunes mène au retrait de cette catégorie de la vie politique.

Des chiffres publiés récemment brossent un tableau sombre de la situation des jeunes sud-africains. Selon l’indice Spectator, pas moins de 52 pc des jeunes de ce pays sont sans emplois, un des taux les plus élevés dans le monde. D’autres chiffres publiés par le ministère de l’Enseignement supérieur montrent que 7,8 millions de jeunes sud-africains âgés de 15 à 35 ans sont sans emplois ni éducation ni formation.

«Il s’agit de l’une des plus importantes menaces à la stabilité sociale», estime Mme Dawood, qualifiant cette situation de «bombe à retardement».

Une prise de conscience d’une telle menace semble absente chez les partis politiques, déplorent les analystes, notant que les formations en lice utilisent les promesses d’emplois comme «un appât» pour attirer les électeurs jeunes.

Emboitant le pas à l’EFF, l’ANC promet de créer 275.000 emplois supplémentaires annuellement. L’Alliance démocratique (DA, deuxième force politique du pays) s’engage, quant à elle, à «trouver un emploi pour chaque foyer».

Ces promesses semblent difficiles à tenir dans une économie en berne. Selon les prévisions les plus optimistes, l’Afrique du Sud devra réaliser une croissance économique de 1,2 pc en 2019. Les perspectives d’avenir n’incitent guère à l’optimisme, le pays étant plongé dans une profonde incertitude politique qui, avec des niveaux élevés de corruption et des pannes d’électricité récurrentes, sape la confiance des investisseurs.

Dans les townships, ces vastes bidonvilles qui forment des ceintures de désolation et de pauvreté autour des grandes métropoles, l’indécision et le doute sont révélateurs parmi les jeunes qui se sont inscrits pour le scrutin.

«Il est difficile de décider pour qui voter», indique Scarlet Bondiwe, une jeune du township d’Alexandra, à Johannesburg. «Les partis politiques n’ont presque aucune réponse aux problèmes fondamentaux», indique-t-elle.

Agence d’information du Burkina avec MAP

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